Face à l’urgence climatique, la décarbonation représente un défi systémique — à la fois opérationnel, technologique et organisationnel — qui dépasse les capacités d’action isolées. Dans ce contexte, les grandes entreprises ont un rôle central à jouer. Par leur envergure, leur pouvoir d’entraînement sur l’ensemble de leur chaîne de valeur et leur capacité à structurer des filières entières, elles sont des leviers puissants de la transition écologique. Mais pour déployer des solutions à la hauteur des enjeux, elles doivent pouvoir s’appuyer sur l’agilité, l’innovation et la rapidité d’exécution des startups. Or, si cette complémentarité est souvent vantée, elle reste difficile à concrétiser. Il est donc temps de repenser les cadres de coopération entre ces deux mondes.
Des forces complémentaires mais des cultures à rapprocher
Startups et grands groupes ont beaucoup à s’apporter, mais il reste encore à rapprocher leurs cultures. Les startups excellent dans l’expérimentation rapide, l’intégration des dernières technologies et la capacité à pivoter face à un environnement mouvant. Leur ADN les pousse à inventer de nouveaux modèles, à bousculer l’existant et à prendre des risques que les grandes entreprises ne peuvent pas toujours se permettre. À l’inverse, les grands groupes disposent d’une force de frappe incomparable pour industrialiser, massifier et structurer les solutions durables. Ils offrent un accès à des marchés mondiaux, des ressources financières et humaines, ainsi qu’un savoir-faire éprouvé, et une légitimité essentielle pour faire évoluer les normes et les pratiques au sein de filières entières.
Mais ces complémentarités se heurtent souvent à des écarts de rythme et de culture. Les cycles de décision et d’expérimentation ne sont pas les mêmes. Alors qu’une startup cherche l’efficacité et l’itération, un grand groupe privilégie la robustesse, la conformité et la gestion du risque. Leurs objectifs divergent aussi : la startup vise l’accélération et la croissance, le grand groupe la stabilité et la maîtrise des risques. Ces différences peuvent freiner la co-création et générer de la frustration de part et d’autre. Pour dépasser ces obstacles, il devient nécessaire d’instaurer une nouvelle culture de partenariat.
Gérer les émissions carbone : un défi systémique pour les entreprises
Sur le terrain de la décarbonation, la complexité, et l’urgence, sont telles que la collaboration devient indispensable. Mesurer, piloter et réduire ses émissions directes et indirectes (scopes 1, 2 et 3) nécessite des outils adaptés et une approche globale. La gestion des émissions carbone exige une compréhension fine des différents scopes, ainsi qu’une collecte de données fiable à chaque étape de la chaîne de valeur. Il ne s’agit plus seulement de mesurer ses propres émissions, mais aussi celles de ses fournisseurs, partenaires et clients, ce qui rend l’exercice encore plus exigeant. Beaucoup d’organisations naviguent encore à vue, avec des méthodes “artisanales”. Cette approche fragmentée limite la capacité à piloter efficacement, à anticiper les évolutions réglementaires et à tirer parti de l’innovation.
Structurer la donnée est donc la clé. Il s’agit de passer d’une logique de reporting a posteriori à une dynamique de pilotage en temps réel, avec des indicateurs fiables et actionnables. Cela permet non seulement de répondre aux diverses exigences réglementaires mondiales, mais aussi d’engager l’ensemble de l’organisation dans une trajectoire de réduction concrète, mesurable et alignée sur les meilleures pratiques. Les grands groupes étant les principaux agents du changement, il est donc nécessaire, plus que jamais, de les accompagner dans leur transition bas-carbone. C’est donc à travers une collaboration entre les grands groupes et les start-ups que l’on pourra accélérer la transformation des filières, faire émerger des solutions à grande échelle et entraîner tout l’écosystème dans la transition.
Construire une nouvelle culture de partenariat
Afin de relever le défi urgent de la décarbonation, l’émergence d’une nouvelle culture partenariale — fondée sur la confiance, la transparence et la co-construction — semble nécessaire. Cela passe par le fait de clarifier les attentes, partager les objectifs dès le départ et bâtir une relation sur la durée, mais aussi par une communication ouverte sur les enjeux de propriété intellectuelle, de partage de la donnée et de valorisation des succès communs.
La réussite des plus belles collaborations repose donc sur une démarche de co-construction, où chaque partie apporte sa valeur ajoutée. Pour Sweep, la collaboration de long terme avec des entreprises comme Orange, la SNCF, Bouygues ou encore WSP, se base avant tout sur la confiance et le partage de données, pour bâtir des trajectoires bas-carbone crédibles. Cela suppose de dépasser la simple relation client-fournisseur pour instaurer un vrai dialogue, définir ensemble les priorités et partager le succès.
D’autant plus que les grandes entreprises françaises et groupes du CAC 40 se distinguent par leur audace et leur engagement, insufflant une dynamique vertueuse qui rejaillit sur l’ensemble de l’écosystème. Cette synergie permet aux startups, enrichies par la collaboration avec ces acteurs majeurs, de renforcer leur légitimité et d’asseoir leur crédibilité auprès de grands groupes internationaux
Les initiatives nationales comme “Je Choisis la French Tech” ouvrent également la voie à des collaborations plus fluides et plus ambitieuses. En facilitant la mise en relation et en levant les barrières réglementaires ou administratives, ces programmes permettent aux startups d’accéder à de grandes entreprises — et aux grands groupes d’accélérer leur transition grâce à des solutions françaises innovantes.
Finalement, miser sur des collaborations audacieuses, c’est s’ouvrir à de nouveaux modèles économiques, à l’expérimentation et à l’innovation de rupture. C’est aussi inscrire la transition dans la durée, en construisant une économie plus résiliente, moins dépendante des énergies fossiles et capable de créer de la valeur partagée. La transition écologique se gagnera donc collectivement, en conjuguant agilité, vision et engagement.