« Une bonne démocratie est celle qui est capable de s’ouvrir à la société civile. Même quand la politique a des problèmes, il ne faut pas désespérer, il y a de l’énergie ailleurs » ! Ces mots sont ceux de Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, invité ce mardi 7 octobre du Cercle Humania à livrer vision du leadership, de la responsabilité et de la place de la société civile, devant 140 DRH.
400 emplois et une leçon de société civile
Jean-Pierre Raffarin a raconté une anecdote fondatrice : « Je venais de remporter une élection, j’avais 40 ans, j’étais très heureux. Nous, les élus, nous nous étions félicités longuement d’avoir réussi à inciter un Américain à investir dans notre ville, à Rochefort, sur la zone industrielle. »
Mais lorsque le chef d’entreprise américain prend la parole, il évoque sa fierté d’avoir créé 400 emplois… dans sa ville natale ! Un « détail » dont les élus n’avaient pas connaissance. « Là, j’ai compris ce qu’était la société civile », a confié l’ancien premier ministre. « La vraie richesse est dans les personnes », dans l’énergie humaine et l’envie d’entreprendre.
« La force est en nous »
Artisan de plusieurs réformes sociales et territoriales, Jean-Pierre Raffarin a rappelé que l’humanisme n’est pas une idée abstraite, mais une énergie collective : « Être un véritable humaniste, c’est croire que la force est en nous. Que l’ambition de la politique, c’est de nous faire grandir. Et que les jeunes générations peuvent trouver des solutions aux problèmes que les anciennes n’ont pas su régler. » Aux dirigeants présents, il a adressé un message clair : « Il faut de l’envie », du courage et une vision.
Le leadership, un moteur indispensable
« La question du leadership est aujourd’hui essentielle », a-t-il souligné. Mais attention : « Le leadership n’est pas une valeur en soi. Car le dictateur aussi est un leader... » Il invite à inventer un leadership « harmonieux » qui soit une force motrice. « Pour moi, un leader rend compatibles une destination, un chemin et un groupe. » Et de prévenir : « Si vous proposez un chemin sans destination, vous n’êtes pas un vrai leader. » Pour Jean-Pierre Raffarin, le leadership s’apprend : « Aux États-Unis, c’est de l’acquis, cela se travaille. En Europe, c’est plus mixte ; on y mêle l’inné et l’acquis. » Il cite Le fil de l’épée du général de Gaulle comme « le meilleur livre en la matière. »
De l’Europe à la Chine
Sur la scène internationale, Jean-Pierre Raffarin sonne l'alerte : « Aujourd’hui, la force est redevenue la règle de la gouvernance mondiale. » Il regrette que l’Europe ait cru que sa force serait son marché, sans s'être autorisée à donner naissance à de véritables champions : « On a fait des lois de concurrence qui empêchent les grands champions européens d’exister. »
Il invite également les entrepreneurs à s'ouvrir au reste du monde, sans naïveté : « Ma génération s’est préparée à vivre avec les États-Unis ; aujourd’hui, personne ne va en Chine, or si vous n’y allez pas, vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est. La ligne rouge est celle de la résistance, lorsque nous sommes attaqués, comme en Ukraine. Ailleurs, il faut rester ouverts. Nous ne savons pas qui seront nos alliés dans quinze ans. »
Responsabilité du dirigeant
En citant Saint-Exupéry, Jean-Pierre Raffarin a rappelé aux DRH présents qu'on n’a pas le droit « d’être responsable et désespéré »... Et de les encourager : « Les bons ministres, comme les bons managers, ne sont pas les experts, mais ceux qui savent écouter, qui ont une clarté de vue, une capacité à décider et à assumer. Ceux qui n’ont pas peur d’avoir à leurs côtés plus compétents qu’eux. » Autre parallèle entre la vie politique et la vie de l'entreprise : « On peut gagner sans parti, mais on ne gouverne pas sans organisation. »