Le dernier trimestre de l’année est un moment clé pour les investisseurs dans l’innovation en France. Selon Camille Bonvicini, « ce phénomène s’explique par le calendrier fiscal : les particuliers sont incités à investir avant la fin de l’année, afin de bénéficier dès l’année suivante des allégements prévus ». Chez Sowefund, le quatrième trimestre est ainsi la période où la collecte atteint ses plus hauts niveaux.
Mais la fiscalité, selon le directeur des investissements de Sowefund « ne doit pas devenir la motivation première – c’est d’abord le potentiel de plus-value et le soutien à l’innovation qui doivent guider la décision ». Le dispositif Midy, lancé en janvier 2024, a ouvert cette dynamique au plus grand nombre, avec deux voies : les investissements dans les JEI bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu de 30% et les JEIR, entreprises innovantes de rupture, donnent droit à une réduction de 50%.
Les plafonds d’investissement sont ambitieux : jusqu’à 75 000 € par an pour une personne seule dans une JEI, 50 000 € pour une JEIR, le double pour un couple. À une condition : conserver les titres cinq ans minimum pour préserver l’avantage fiscal.
Un bilan très encourageant
Le bilan ? Même s’il n’existe pas encore de chiffres officiels, la démocratisation est incontestable. « Nous observons une corrélation directe entre le taux de défiscalisation et l’augmentation des montants investis : une réduction de 30 % entraîne mécaniquement 30 % de hausse des montants levés sur chaque opération », explique Bonvicini.
Pour le député de la 5ᵉ circonscription de l’Essonne, à l’origine du dispositif, la tendance est claire malgré l’absence de données consolidées : « En recoupant les différentes données partielles dont je dispose, j’estime que nous avons déjà atteint un rythme supérieur à 500 millions d’euros par an. L’objectif, à terme, serait de parvenir à un milliard d’euros de levées de fonds supplémentaires chaque année.”
Paul Midy souligne que cette dynamique très forte résulte des dispositifs directs et semi-directs, mais aussi des FCPI, un domaine qu’il suit de près. « D’après ce que j’ai pu identifier, une dizaine de projets ou de fonds sont actuellement en cours de création, ou ont déjà été lancés, à l’instar du fonds Wind », observe le député.
Ce fonds de capital-risque, dédié aux deeptechs climatiques, vient d’ailleurs de lancer un nouveau véhicule d’investissement axé sur la défense et les technologies souveraines, des sujets particulièrement stratégiques en Europe.
Une aubaine pour les startups
Bien que le régime viennent tout juste d’être durci, avec le seuil de dépenses en R&D relevé de 20 à 25 % pour bénéficier du statut JEI dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, ce dispositif demeure un formidable levier d’attractivité pour les startups en quête de financement. Malgré des conditions d’accès plus sélectives, il continue d’encourager les jeunes entreprises innovantes à investir dans la recherche et le développement, essentiel à leur compétitivité et à leur croissance.
“Je rencontre des entrepreneurs toute l’année, notamment à l’occasion de mon Tour de France de l’Innovation. Nombreux s’accordent à dire qu’ils ont pu lever des fonds grâce à ce dispositif. Les réseaux de business angels évoquent régulièrement des montants multipliés par deux, voire par trois, du fait de cette mesure. Du côté du crowdfunding, les chiffres sont également très encourageants : l’an dernier, ce levier aurait représenté 50 millions d’euros collectés”, témoigne Paul Midy.
Des plateformes pour les meilleures opportunités
Pour répondre à la demande croissante de diversification et de défiscalisation, Sowefund a affûté sa méthodologie. Depuis 2023, la plateforme s’est rapprochée du fonds Founders Futures pour appliquer une analyse « venture capital complète » sur chaque dossier.
Camille Bonvicini détaille : « Nous permettons aux particuliers d’accéder à des opportunités normalement réservées aux professionnels, en co-investissant au côté de fonds reconnus ». Pour ce faire, la plateforme s'appuie sur l’expertise technique des grands fonds partenaires pour sécuriser la sélection et applique, de fait, une grille de lecture exhaustive : équipe dirigeante et ses capacités d’exécution, problème adressé, pertinence de la solution, niveau d’innovation, taille du marché, solidité du business model et traction commerciale.
« Notre objectif est de garantir que chaque projet coche l’ensemble des cases, tout en gardant un niveau d’exigence digne des meilleurs fonds. Nous ne nous contentons pas de la défiscalisation : c’est d’abord la qualité de la startup qui prime », affirme Bonvicini.
Gare à la révision des dispositifs dans le PLF 2026
Investir dans l’innovation française est aujourd’hui un levier évident de diversification et d’optimisation fiscale, mais la stabilité du cadre réglementaire reste incertaine. Dans ce contexte, Camille Bonvicini se montre prudent : « Concrètement, la situation est un peu brutale : il n’existe aucune certitude quant à la reconduction des dispositifs ; le PLF 2026 prévoit une rationalisation, mais on ignore ce que cela implique réellement ».
Le risque ? Un relèvement supplémentaire des seuils, une restriction des avantages, voire leur suppression totale. « Officiellement, le dispositif est prévu jusqu’à 2028, mais il peut très bien être remis en cause d’une année sur l’autre », alerte-t-il.
Sa recommandation : profiter de la fenêtre actuelle. « Pour l’investisseur averti, c’est peut-être le dernier automne où défiscaliser dans l’innovation conserve autant d’attractivité et de sécurité. Quand la règle change, il vaut toujours mieux avoir sécurisé ses positions en amont ».Qu’il s’agisse d’optimiser sa fiscalité ou de soutenir la prochaine génération de startups françaises, l’automne apparaît comme une période clé. Le succès du dispositif Midy s’est traduit par une ouverture accrue aux particuliers et encourage une mobilisation forte, mais l’incertitude réglementaire appelle à rester vigilant et réactif.