Alerte sur la foodtech française. C'est en substance ce qu'on ressent lorsqu'on lit l'étude annuelle du cabinet DigitalFoodLab sur l’état de santé de l’écosystème. À fin septembre 2025, les startups françaises de la foodtech - c’est-à-dire l’ensemble des entrepreneurs et des startups du domaine alimentaire qui innovent, de la production jusqu’au consommateur final, aussi bien sur les produits, la distribution, le marché ou le modèle économique, comme le définit l'étude - avaient levé 225 millions d’euros.
De quoi conduire les équipes de DigitalFoodLab à anticiper un atterrissage à environ 290 millions d’euros sur l’année, soit une baisse de 35% par rapport à 2024 et de 74% depuis le pic de 2022. Ce qui s'explique par plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'IA est peu présente dans le secteur. Or, c'est cette verticale qui porte aujourd'hui les investissements dans la tech. De plus, certains marques du secteur dans la livraison rapide, comme Flink ou Getir n'ont pas pu perdurer économiquement en France. Ce qui a pu ralentir les les envies des investisseurs dans la filière. Enfin, la France, qui était bien positionnée sur la production et l'élevage d'insectes voit ses champions flancher. Ynsect est en redressement judiciaire, Agronutris en procédure de sauvegarde, et Innovafeed a suspendu l'ouverture de son usine aux Etats-Unis.
Aucune startup créée en 2024 n’a levé plus de 100 000 €
Dans cet environnement sinistré, quelques startups du secteur tirent quand même leur épingle du jeu, comme le spécialiste des protéines végétales Accro, qui a levé 49 millions d’euros en septembre, ou le leader de la vente de bio en ligne La Fourche, avec ses 31 millions d’euros récemment levés.
Mais dans le même temps, les créations de startups dans le secteur se font de plus en plus rares et les financements d’amorçage, du pré-seed à la série A, ont presque disparu. En particulier, aucune startup créée en 2024 n’a levé plus de 100 000 €.
Plus largement, sur l’année 2025, seules 36 levées sont prévues dans le secteur, contre 75 en 2024 et 126 en 2023 - une année pourtant déjà considérée à l’époque comme “chahutée” avec le déclin du “quick commerce”. La taillemoyenne des levées est aussi à la baisse par rapport à 2024.
Levées de sauvetage et reprises à la barre du tribunal
Pour compléter ce tableau, DigitalFoodLab note aussi que l’année 2025 a été marquée par plusieurs levées de fonds de sauvetage (notamment Ÿnsect et Agronutris) et par le rachat de startups en difficulté - comme récemment Benebono, par Quitoque. Plusieurs “bridges” ont également eu lieu, souvent sans annonce publique.
Matthieu Vincent, Partner chez DigitalFoodLab, tient toutefois à nuancer ce déclin du secteur : “le retrait des investisseurs, en particulier internationaux, et le manque de nouveaux projets ne sont pas spécifiques à la foodtech. C’est valable partout, dans la plupart des secteurs de la tech, à part l’IA.”
La France recule sur la scène mondiale
Néanmoins, l’écosystème foodtech français connaît aussi ses propres freins : “à part pour les marques et les softwares destinés à la restauration, il n’y a pas de chemin de financement pour les innovations du secteur. Dans les protéines alternatives, par exemple, on se rend compte qu’il faut dix à quinze ans pour passer de la R&D au produit, ce qui est trop long pour les VC… Or, contrairement à la biotech, il n’y a pas de relais de financement”.
Cette situation n’est pas propre à l’Hexagone : les quatre principaux écosystèmes européens, dont la France, subissent un net ralentissement selon les chiffres compilés par DigitalFoodLab. Mais la France recule de la 6e à la 9e place mondiale.
Des opportunités du côté des marques
Tout n’est pas sombre pour autant : d’autres segments, comme le B2B, avec le segment de la “Food Science” (développement de nouveaux ingrédients ou nouveaux produits alimentaires) sur lequel les startups françaises sont bien positionnées, restent toujours porteurs. Les grands groupes agro-alimentaires se montrent d’ailleurs plus actifs depuis quelques années, via des partenariats industriels - comme Bel avec la startup Standing Ovation, voire des investissements, certes avec des tickets encore limités.
“Il y a aussi énormément d’opportunités encore inexploitées en France du côté des marques : c’est pourtant là où il y a des exits potentiels” souligne enfin Matthieu Vincent pour conclure sur une note positive.
“Il y a aussi énormément d’opportunités encore inexploitées en France du côté des marques : c’est pourtant là où il y a des exits potentielles,” souligne enfin Matthieu Vincent pour conclure sur une note positive. Il cite notamment la marque de compléments alimentaires Novoma, acquise par le family office Kresk Développement en mai dernier ou le succès de La Vie, qui a levé 25 millions d’euros en 2024.