Coup dur pour Doctolib, une semaine après avoir annoncé qu'elle était rentable. La licorne française, et spécialiste de la prise de rendez-vous, vient d'être condamnée par l'Autorité de la concurrence, à une amende de 4,6 millions d'euros. L'autorité administrative lui reproche d'avoir "abusé de sa position dominante" sur les marchés de la prise de rendez-vous médicaux et de la téléconsultation. Elle avait été saisie par une plainte de Cegedim Santé, un des principaux acteurs français du logiciel de santé en 2019.
Dans une conférence de presse qu'elle a organisé ce matin, l'Autorité de la concurrence a dressé d'abord un constat sur la position dominante de l'entreprise sur ces deux marchés. Selon elle, Doctolib a des "parts de marché de 70% à 90%" et une notoriété "incomparable, avec une marque équivalente à Netflix, Google ou Amazon". Elle estime aussi que de fortes barrières à l'entrée existent, permettant à une entreprise de garder son assise.
Une acquisition "prédatrice" selon l'Autorité de la concurrence
Après ce constat, l'Autorité de la concurrence reproche à Doctolib d'avoir volontairement abusé de cette position dominante. Tout d'abord, elle a relevé que la startup avait inséré des clauses d'exclusivité de 2017 à 2023 dans ses contrats avec les soignants. Pour rappel, Doctolib tire essentiellement ses 438 millions revenus annuels récurrents (ARR) de la vente de son service aux soignants et médecins. Dans ces contrats avec les praticiens, selon l'Autorité de la concurrence, Doctolib a interdit à ses clients de recourir à des services concurrents de ceux "proposés" par la licorne. Cette clause a été retirée des contrats il y a deux ans.
De plus, elle lui reproche son acquisition "prédatrice" de la société MonDocteur, rachetée en 2018 pour 60 millions d'euros, un des ses concurrents sur ces deux marchés. Selon elle, Doctolib a eu une "volonté assumée en interne de "killer le produit". Dans le dossier, il est mentionné que Doctolib s'est félicité que cette acquisition, en lui permettant d'avoir une position "sans plus aucune concurrence en France". "Sans Mondocteur, plus de concurrent, on est numéro un partout", est-il marqué dans des échanges en interne.
Ce qui lui aurait permis "verrouiller le marché national des services de prise de rendez-vous", selon l'Autorité de la concurrence. Et de faire augmenter les prix. C'est la première fois, dans l’histoire de l’Autorité de la concurrence, qu’une entreprise est condamnée pour l'acquisition d’une entreprise.
Doctolib va faire appel de la décision
Selon l'entreprise, "cette décision présente une lecture erronée de notre activité, et de notre secteur. Doctolib n’est en aucun cas en position dominante. Malgré notre fort usage par le grand public, Doctolib est un acteur récent dans le secteur des logiciels pour les soignants (3 fois plus petit que nos concurrents européens) et n’équipe aujourd’hui que 30 % des soignants français (10 % en 2019 au moment de la plainte)".
Elle poursuit : "nous avons bousculé un marché endormi et verrouillé depuis 30 ans. Notre seul et unique objectif depuis le premier jour est de développer des solutions fiables, sécurisées et sans engagement, qui facilitent la pratique quotidienne des soignants et contribuent à rendre les patients en meilleure santé. La décision se fonde étonnamment sur l’acquisition par Doctolib d’une petite start-up (Mon Docteur) en 2018, qui équipait 2 % des soignants au moment du rachat. Cette opération de croissance externe visant à regrouper deux PME pour innover plus rapidement est d’une banalité absolue dans la vie d’une entreprise".
L'entreprise va donc faire appel de la décision, ce qui ne suspend pas l'amende. Doctolib dispose de 80 millions d’utilisateurs en Europe, dont 50 millions en France. 400.000 professionnels utilisent son service.