Si les fonds de VC français majeurs développent de plus en plus de stratégies paneuropéennes ou lorgnent vers les États-Unis, les fonds étrangers s’invitent également de plus en plus aux tours de table des entreprises françaises. D’après France Invest, en 2024, toutes stratégies de capital-investissement confondues, 25,2 milliards d’euros ont été levés dont 80% à l’étranger. L’année dernière, la French Tech était en deuxième position européenne en montants levés avec 7,8 milliards d’euros, derrière l’écosystème britannique (14 milliards d’euros), et devant l’Allemagne (7,3 milliards d’euros), d'après le baromètre EY.

Les startups françaises sont séduisantes pour les investisseurs étrangers. Mais que viennent-ils chercher exactement ? « La France a développé un écosystème solide, particulièrement depuis 10 ans, avec un soutien politique visible », commente Sebastien Peck, partner du fonds danois Kompas VC. « Les entreprises comme Mistral mettent en valeur le leadership français dans des secteurs cruciaux comme l’intelligence artificielle et il y a de nombreux fondateurs deeptech prometteurs. »

« Un écosystème parisien très collaboratif »

Comme le partner danois, Lucrezia Lucotti, partner au sein du fonds franco-italien 360 Capital, salue la qualité des entrepreneurs français. « En France, deux ou trois cycles se sont déjà écoulés dans la tech. Nous avons maintenant des « mafias » de fondateurs (ancien d’une même scaleup ou anciens fondateurs qui rendent à l’écosystème, ndlr) et c’est un avantage compétitif important. » Sebastian Peck complète : « La maturité de l’écosystème French Tech a progressé depuis dix ans. Nous voyons plus de « repeat founders », des tours de table late-stage plus importants, et des pool de talents plus large. » Kompas VC, fonds danois spécialisé dans les énergies renouvelables, la décarbonations, les nouveaux matériaux, a levé 150 millions d’euros en avril dernier. Il compte dans son portefeuille la startup française Vizcab, solution d’analyse des cycles de vie des bâtiments.

Laura Salesse est investisseuse chez Eight Roads Ventures et suit le marché français. Le fonds américain a désormais une portée globale et des équipes partout dans le monde. Avec 11 milliards de dollars sous gestion, 500 entreprises en portefeuille, Eight Roads est au capital de plusieurs startups françaises : La Fourche, la néobanque Nickel, Leocare, ou encore Owkin. « J'ai toujours trouvé que l'écosystème technologique à Paris était très collaboratif. Tout le monde est connecté et il existe une véritable culture de partage des connaissances. Maintenant que certains leaders ont émergé, il est encourageant de voir que l'expérience et les connaissances commencent à se transmettre à la prochaine génération de fondateurs. Cela permet de placer la barre plus haut pour tout le monde », note-elle.

« Mistral devrait créer une nouvelle génération de startups »

L’écosystème français est également reconnu pour ses formations de qualité en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM). « De sa tradition de formations fortes en STEM, la France produit beaucoup de deeptech », note Sebastian Peck. « La présence de grands acteurs comme OpenAI, Meta, et Mistral, renforce la force de l'écosystème local et crée une boucle vertueuse - attirant et développant les talents. De nombreuses startups françaises avec lesquelles nous discutons exploitent ce vivier de talents », relève Laura Salesse. Les jeunes pousses profitent également de structures de soutien et d’accompagnement : le Hub de Bpifrance fête ses 10 ans, Station F qui joue un rôle central dans l’écosystème célèbre cette année ses 8 ans.

« Les pôles de start-up comme Station F à Paris sont des accélérateurs essentiels pour l'activité des start-up. Mistral est sans doute la première startup européenne dans le domaine de l'IA et devrait donner naissance à une nouvelle génération de startups dans le domaine de l'IA au cours des prochaines années, ce qui profitera à l'écosystème français », analyse Sebastian Peck.

Résultats : des startups attractives pour les fonds d’investissement. « Nous sommes une vague de nouvelles entreprises construisant autour de l'infrastructure de l'IA - couvrant des domaines tels que l'observabilité, l'orchestration, les tests, la conformité, etc. », observe la partner d’Eight Roads. « En général, la qualité des startups de deep tech est comparable à celle des opérations réalisées au Royaume-Uni, en Allemagne et dans les pays nordiques », conclue Sebastian Peck.

Mais malgré ses avantages comparatifs forts, l’écosystème français a encore des lacunes importantes et notamment en termes d’ambition et de conquête internationale. « Passer d'un environnement très centré sur la France à un environnement plus international plus tard peut être un véritable défi - il est donc important de bien s'y prendre dès le départ », termine Laura Salesse.