80% des entreprises interrogées par Sopra Steria dans l'Open Innovation Report, publié en mai 2025, considèrent désormais l’open innovation comme “importante” ou comme une “mission critique, une hausse de 20 points par rapport à 2023. 72% ont déjà travaillé avec une startup. L’appétit pour les jeunes pousses se lit aussi dans les transactions : le corporate venture capital a rebondi à 65,9 milliards de dollars en 2024 (+20% sur un an, –35% comparé à 2021), tandis que PitchBook dénombre déjà 1 032 rachats de startups en Amérique du Nord au seul premier trismestre 2024, pour 172 milliards de dollars de capital investi.

Derrière ces chiffres, se cache une pratique encore un peu nébuleuse. Pour certains, c’est un outil de communication. Pour d’autres lorsqu’elle est bien faite, c’est un réel vecteur de croissance pour l’entreprise. On parle bien sur de l’open innovation. Pour tous ceux qui ont travaillé en grands groupes, au-delà des chiffres, au-delà des intentions positives, la réalité est plus difficile. Cet article invite à s’interroger sur les freins, sur les grands principes et les pièges à éviter lors de l’exercice de ce métier plus important qu’il n’y paraît.

Les défis de la collaboration startups - grands groupes

Plusieurs défis s’imposent face à la collaboration startups / grands groupes.

La temporalité est différente entre grandes entreprises et startups. Celles-ci sont le plus souvent rapides en R&D, là où les grandes entreprises souffrent d’un temps long. En période d’industrialisation, c’est l’inverse qui se produit. La grande entreprise est extrêmement rapide avec un degré élevé de qualité alors que la startup prend difficilement le train en marche.

Les moyens humains et financiers sont plus importants en grande entreprise, là où la startup ne dispose pas nécessairement de ces avantages. Au contraire, l’agilité d’une startup est plus importante, notamment pour faire pivoter son produit mais bien sûr conditionnée aux moyens.

La gestion des opérations est également complexe : est-ce dans la mission des équipes de développement de collaborer avec une startup ? Les salariés d’entreprise ont des objectifs, des KPI de livraison de produit... La relation avec les startups renvoie à des objectifs long terme, ceux-ci sont-ils pris en compte ? Combien de fois un opérationnel rencontre et collabore avec une startup sur « son temps libre » quand vraiment « son emploi du temps le lui permet » sachant que le plus souvent, il ne sera pas récompensé au prix du temps passé avec cette startup ?

Le défi de l’open innovation est de faire fonctionner cet ensemble de disparités pour faire sortir le meilleur de chacun. Pour cela, il existe trois types de relation avec des startups. La collaboration par la création d'un nouveau produit sur la base d’une mutualisation des technologies ou des compétences. La prise de participation au capital pour s'approprier un produit ou un savoir-faire stratégique. Enfin, une relation par l'achat, client-fournisseur. 

Avant tout cela, il faut de la confiance et la relation débute parfois avant le contrat.

“L’open innovation n’est pas gratuite”

Pour qu’une relation startup / grande entreprise fonctionne,  il ne faut pas s'enfermer dans un seul type de relation mais bien en explorer deux sur trois. L’open innovation n’est pas gratuite. Une grande entreprise a besoin que la startup passe à l'échelle et acquiert un équilibre pérenne. Se limiter à une collaboration avec du partage du revenu dans un second temps est une grave erreur. Il convient de solidifier l’entreprise innovante.

En conséquence, associer la collaboration à l’achat ou à l’investissement permettra à la startup de se financer sur une promesse d’achat futur ou de bénéficier d’un investissement direct. Sa solidité sur la durée de collaboration est alors garantie. 

Il va de soi qu’associer investissement au capital de la startup et achat de son produit permettra à la fois de rassurer les acheteurs côté corporate mais aussi de capitaliser sur la prise de risque de l’achat, et de garantir un démarrage fort à une entreprise dont on détient le capital.

Souvent, la grande entreprise considère la collaboration comme un honneur qu'elle fait à la startup. La startup elle répond à sa propre échelle de loyauté qu'il convient de garder à l'esprit : actionnariat, client, besoin de subvention. Autant vous dire qu'une collaboration basée sur des promesses non écrites, arrive en dernière position.

L’open innovation pose aussi une problématique de management côtés collaborateurs du grand groupe. La collaboration avec la startup doit faire partie de la mission. La curiosité doit être une valeur récompensée.

Pour cela il convient d’accepter d’établir un temps de compréhension de la startup : un ou plusieurs salariés doivent « conseiller » celle-ci pendant 3 ou 4 mois, pour connaitre ses dirigeants, aiguiller son orientation, lui faire comprendre les contraintes du groupe, avant de rechercher un projet commun.

Au-delà du résultat, la grande entreprise doit récompenser le temps passé à s’ouvrir l’esprit à d’autres entreprises. Pourquoi pas en établissant un pourcentage du temps passé à sourcer et échanger avec des startups dans les objectifs de l’employé. Il ne faut pas non plus sanctionner une tentative ratée d’essayer un nouveau produit avec une startup. L’innovation est avant tout une itération successive, sans craindre l’échec, et un apprentissage basé sur ce dernier.

L’open innovation c’est bien, bien le faire c’est mieux !