L’écosystème startup est-il arrivé à un carrefour crucial ? Après des débuts embryonnaires, ces dernières années ont grandement participé à son décollage pour en faire un acteur incontournable de la Tech internationale. Mais la scène tech française semble avoir aujourd’hui atteint le stade de la maturité… et des choix cornéliens, comme en témoigne le Baromètre 2020 de la performance sociale et économique des startups numériques françaises, réalisé par France Digitale et EY.
Alors que la crise et les fiascos boursiers de certains wannabe-géants comme WeWork ont rappelé que la rentabilité restait probablement l’indicateur financier le plus fiable dans un écosystème où l’abondance de capitaux a contribué à créer des monstres, le rapport confirme que la levée de fonds reste donc un passage incontournable. Exister, pérenniser son activité et la faire grandir sans recourir à des capitaux extérieurs relève de l’exception : 80% des startups de l’étude sont soutenues par des fonds d’investissement. Et ces opérations financières se font (aussi) auprès d’acteurs étrangers : l’an dernier, 31% des répondants au baromètre avaient à leur capital un investisseur étranger.
Bonne nouvelle ? En matière d’attractivité de l’écosystème tricolore et de perspectives de développement international pour ses représentants, oui, à n’en point douter ! Investisseur·se·s comme entrepreneur·se·s ont trop longtemps fustigé le manque d’attractivité de l’Hexagone – lié à la fiscalité ou une réglementation jugée trop lourde – pour ne pas se réjouir qu’il soit aujourd’hui capable d’attirer les investissements étrangers, y compris en phase d’amorçage puisque 32% des startups présentant un chiffre d’affaires de moins de 5 millions d’euros ont déjà à leur capital un tel profil.
Le casse-tête politique
Mais cela présente un nouveau défi pour l’écosystème et un sacré casse-tête pour les acteurs politiques. Le charme qu’exerce la French Tech sur les investisseurs étrangers et les pouvoirs que cela lui confère d’un point de vue financier ne vont pas sans de grandes responsabilités. On remarque que plus le chiffre d’affaires augmente, plus la présence d’investisseurs étrangers devient inéluctable : 42% des entreprises réalisant entre 20 et 50 millions d’euros de CA et 44% de celles qui dépassent les 50 millions sont soutenues par au moins un investisseur étranger.
Or l’arrivée retentissante de certains acteurs asiatiques, comme le géant Tencent, dans des pépites du Next 40 et du French Tech 120 (Lydia, Qonto, Alan et Voodoo) laissent planer le doute quant à l’avenir de la souveraineté numérique française. En effet, si les investisseurs étrangers sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à nos pépites, notamment celles qui oeuvrent dans des secteurs stratégiques, et qu’ils pèsent de plus en plus lourd dans l’actionnariat de celles-ci, auront-elles encore la maîtrise de leur destin et la France celle de ses atouts technologiques ? Le fonds French Tech Souveraineté annoncé par l’exécutif doit notamment permettre à la France de reprendre la main sur ces investissements stratégiques.