9 août 2021
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Temps de lecture : 6 minutes
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Covid-19 : la vaccination en entreprise reste possible mais "pose question"

L'usage du pass sanitaire est étendu ce lundi 9 août 2021. Dans un mois, les professionnels travaillant au contact de publics fragiles seront tenus de se faire vacciner contre le Covid-19. La campagne se déroule en entreprises depuis le 25 février déjà. Maddyness revient avec l’avocat Olivier Vasset sur les droits et obligations des parties prenantes, alors que l'engagement des PME reste flou à ce jour.
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Mise à jour d'un article paru le 25 février 2021

Se faire vacciner contre le Covid-19 sur son lieu de travail est possible depuis le jeudi 25 février 2021. Un projet de loi, déposé par le Premier ministre Jean Castex fin décembre 2020, prévoit dans son article premier que "certains lieux" soient réservés aux personnes en mesure de présenter un test PCR négatif ou un certificat de vaccination. Ce n'est pas le cas des bureaux, auxquels l'accès n'est pas soumis au pass sanitaire malgré l'extension de ce dernier décidée par le président de la République, Emmanuel Macron. Entrée en vigueur le lundi 9 août 2021, cette mesure s'applique néanmoins à quelques lieux professionnels - à l'image des établissements de santé.

Alors que les entreprises concentrent la grande majorité des 30 millions de salariés français, elles pourraient cependant constituer un maillon majeur de la stratégie vaccinaleMaddyness revient avec l’avocat Olivier Vasset, expert du droit social et associé au sein du cabinet Baker McKenzie, au sujet de ce que ce que le dispositif implique pour les entreprises et leurs employés.

Quelles obligations seront tenues de respecter les entreprises ?

Olivier Vasset : Pour rappel, en vertu de l’article R4626-25 du Code du travail, c’est le médecin du travail qui doit veiller, sous la responsabilité du chef d’entreprise, à la vaccination obligatoire des salariés. En ce qui concerne le Covid, le fait de se faire vacciner ou non relève du choix de ces derniers. Pour les entreprises qui souhaitent s’impliquer dans la campagne, les quatre enjeux majeurs sont les suivants : adapter leurs locaux pour faciliter la campagne – mise à disposition d’une pièce pour un infirmier ou un médecin habilité à réaliser les injections –, organiser la réception des produits, gérer les déchets pour éviter les contacts à risque et assurer le secret médical. Il est, bien sûr inenvisageable qu’une entreprise tienne une liste des employés s’étant fait vaccinés.

Quels droits les salariés peuvent-ils faire valoir ?

O.V. : Ces derniers sont libres de se faire vacciner ou non. Ils peuvent également choisir le médecin qui leur administrera le produit. L’organisation de la campagne au sein de leur entreprise pourra être supervisée par le comité social et économique (CSE), qui devra être informé si ce n'est consulté par l’employeur. Il reviendra à ce dernier de s'assurer que, si un salarié se fait vacciner par l'intermédiaire de l’entreprise, cela se déroule sur les heures de travail et non pas en dehors. Comme mentionné, à aucun moment l’employé ne doit se voir imposer par son employeur de fournir une preuve de la vaccination. En effet, la Cour de cassation a jugé que l’entreprise ne peut pas se voir communiquer un dossier médical : l’avis d’aptitude transmis par le médecin du travail à l’employeur suffit.

Il n'est, à date, pas question que la vaccination contre le Covid-19 devienne obligatoire pour tous. Comment le cadre serait-il amené à s'adapter, si cela devait être le cas ?

O.V. : L’employeur a une obligation générale de prévention des risques professionnels. En cas de non-respect de cette obligation, sa responsabilité civile ou pénale peut être engagée – au-delà de celle du médecin du travail. Dans le cas où la vaccination serait obligatoire, ce que je n’imagine pas à titre personnel, le salarié pourrait devoir réaliser une déclaration sur l’honneur ou réclamer à la médecine du travail de communiquer à son employeur son statut vaccinal. L’entreprise aurait évidemment une obligation de résultat. La médecine et l’inspection du travail seraient probablement chargées de veiller au bon déroulement de la campagne, bien qu’elles n’aient pas de pouvoir contraignant. Il s’agirait d’une mission de conseil auprès de l’employeur. En tout état de cause, une entreprise qui échouerait à vacciner ses salariés en cas d'obligation relèverait de la faute inexcusable.

Des points de vigilance ou de friction se dessinent-ils, selon vous ?

O.V. : Je me pose d’ores et déjà la question de l’implication des entreprises dans ce processus. À date, aucun client ne m’a contacté à ce sujet. Est-ce dû à un manque d’informations ou doit-on penser que les employeurs ne seront pas proactifs en la matière ? Des secteurs, comme le retail, seront naturellement plus impliqués que d’autres puisque les salariés sont amenés à travailler davantage sur site. Les entreprises dont les équipes sont en contact avec le public, telles que les banques ou les commerces, seront aussi fortement incitées à mettre une stratégie en place. Mais quid de toutes les autres, dont le fonctionnement en télétravail est rodé depuis un an ? On ne pourra pas les forcer à participer. Des incertitudes existent. C’est regrettable : les entreprises et administrations restent un maillon important de la chaîne.

La quasi-absence de communication de la part de la médecine du travail interroge, aussi. La campagne vaccinale est vouée à l’échec si cette dernière n’occupe pas son rôle central de moteur. De plus, je m’étonne que l’article L3111-4 du Code de la santé publique n’ait toujours pas été amendé par le gouvernement pour intégrer le Covid-19. Ce dernier régit les vaccinations imposées des personnels qui évoluent au contact de personnes âgées. Si ces derniers ont bien été invités à se protéger dès le début de la campagne, rien ne les y contraint à cette heure – et rien ne garantit que la motivation individuelle suffise [l'obligation vaccinale pour cette catégorie de professionnels a finalement été annoncée par Emmanuel Macron le 12 juillet 2021, soit près de cinq mois après que cet entretien a été réalisé, N.D.L.R.]. Enfin, la question de l'approvisionnement des entreprises en doses reste sans réponse. L'exécutif est le seul à être habilité à passer des commandes auprès des laboratoires et devra donc prévoir la quantité nécessaire à la bonne conduite du processus dans ces organisations. Il faut que nous restions collectivement dans une forme d’attentisme vigilant.

Vous êtes une entreprise et proposez à vos salarié·e·s de se faire vacciner sur le lieu de travail ? Vous êtes des salarié·e·s et attendez de vous faire vacciner dans votre entreprise ? Vos témoignages nous intéressent : [email protected]