Un réquisitoire implacable. Deliveroo est bien responsable « d’une instrumentalisation et d’un détournement de la régulation du travail » , dans le but d’organiser une « dissimulation systémique » d’emplois de livreurs qui auraient dû être salariés et non indépendants, a estimé la procureure Céline Ducournau, mercredi 16 mars, à l’occasion du procès de la plateforme britannique.
La rivale d’Uber Eats, Just Eat ou Frichti est jugée depuis la semaine dernière pour « travail dissimulé » , lors d’un premier procès pénal en France de « l’ubérisation » avec comme enjeu le véritable statut de ses livreurs.
Pour les deux dirigeants successifs de Deliveroo France sur la période concernée, de 2015 à 2017, la procureure a demandé un an d’emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d’amende. Pour un troisième responsable, elle a souhaité quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende. La procureure avait commencé par « regretter » l’absence sur le banc des prévenus de William Shu, grand patron américain de l’entreprise britannique et « incontestablement » à l’origine du « système » .
« Une fiction juridique »
La « fraude » mise en place avait pour unique but d’employer « à moindre frais » ses livreurs, et peu importe si certains sont « satisfaits » de ce statut ou se « sentent libres » , a souligné la magistrate, en référence à l’un des arguments de Deliveroo pour justifier le statut d’auto-entrepreneur. Le « lien de subordination » était bien établi pour « l’intégralité des livreurs » soit « des milliers de travailleurs« , a-t-elle martelé.
À l’audience dans une salle bien remplie, notamment de livreurs (plus d’une centaine étant parties civiles), la procureure a listé tout ce qui démontrait les « directives » , « contrôles » et « sanctions » caractérisant la relation employeur-salarié. Deliveroo se présente faussement comme une plateforme de « mise en relation » entre clients, restaurateurs, et livreurs, mais « il n’y a pas de troisième acteur, Deliveroo ne met le livreur en relation avec personne« , a tonné Céline Ducournau. C’est l’entreprise qui « s’engage sur la qualité de la prestation, les délais », elle « les forme et organise leur intervention » , a-t-elle décrit, dénonçant une « fiction juridique » .