Après l’arrêt brutal provoqué par la pandémie de Covid-19 en 2020, les voyages et les séjours touristiques sont en passe de retrouver leur rythme de croisière. En cet été qui s’annonce bien plus serein que les précédents sur le plan sanitaire, le gouvernement veut donner un nouvel élan aux startups de la traveltech, qui se font jusque-là relativement discrètes dans l’écosystème numérique français.

Pour y parvenir, l’exécutif dévoile aujourd’hui France Travel Tech, un programme pour accompagner les jeunes pousses qui se positionnent sur toutes les verticales touristiques (transport, voyage, tourisme d’affaires….) avec des approches différentes (SaaS, IA, connectivité 5G, métavers, VR, cybersécurité…). Dans ce cadre, un appel à manifestation d’intérêt à destination de startups, TPE, PME et ETI du secteur est lancé cette semaine, de manière à sélectionner les lauréats qui composeront la première promotion de ce nouveau programme d’accompagnement.

Celle-ci sera dévoilée à l’automne à l’occasion d’une réception à Bercy avec les différents acteurs du tourisme (grands opérateurs, offices du tourisme, collectivités, startups…), de manière à favoriser les synergies entre eux. Chaque année, ce sont une dizaine d’entreprises qui seront accompagnées pendant douze mois. Cette initiative, pilotée par la Direction générale des entreprises (DGE), s'inscrit dans le cadre du plan Destination France, dévoilé en novembre 2021 pour conforter la France comme première destination touristique mondiale.

3 % des startups françaises évoluent dans la traveltech

Pour que ce programme soit un succès, le gouvernement a sans surprise décidé de reprendre les ingrédients composant les dispositifs lancés précédemment (Health 20, Green 20Agri 20, DeepNum 20...), qui ont depuis laissé la place au programme French Tech 2030 pour réindustrialiser le pays à l’aide des jeunes pousses technologiques. Ce dernier complète les indices Next 40 et French Tech 120 qui mettent en lumière les startups les plus prometteuses de l’écosystème tricolore. Mais si les sociétés évoluant dans les secteurs de la fintech, de la greentech ou encore de la santé sont bien représentées, ce n’est pas le cas de celles de la traveltech.

En effet, il n’y aurait qu’entre 450 et 700 startups françaises dans ce secteur (67 % de B2C et 23 % de B2B), ce qui représente moins de 3 % de la population totale des jeunes pousses dans l’Hexagone, selon les chiffres du gouvernement. Et pour ne rien arranger, la dynamique du marché s’est enrayée ces dernières années. Alors qu’il y avait une cinquantaine de créations nettes de startups par an au début des années 2010, ce chiffre a chuté à 32 par an à partir de 2018, avant même de passer sous la barre de la vingtaine de créations annuelles durant la crise sanitaire, synonyme d'effondrement brutal pour le tourisme mondial.

Outre une montée en puissance qui se fait attendre en volume, les startups de la traveltech peinent à capter des capitaux pour financer leur développement. Preuve en est, 75 % des jeunes pousses du secteur ont levé moins de 500 000 euros, soit trois fois moins que la moyenne des startups françaises (1,5 million d’euros). Par conséquent, les entreprises qui ont levé plus de 100 millions d’euros se font rares. Elles ne sont que trois : BlaBlaCar, Virtuo et Evaneos.

Un secteur que le gouvernement veut structurer

Dans ce contexte, la traveltech tricolore peine à se structurer pour contrer Airbnb, Uber et consorts. "Le secteur fait état d’une moins bonne intégration à l’écosystème technologique. Non seulement, il n’y a pas d’investisseur spécialisé à 100 % dans le tourisme, mais en plus, nous avons constaté que les startups ne se connaissaient pas entre elles. Elles ont également peu de liens avec les grands opérateurs du tourisme, comme Accor et Air France, les collectivités et les organismes de financement", explique une source gouvernementale. Avant d’ajouter : "On part d’un terrain vierge."

Alors que la France est la première destination touristique au monde, l’exécutif estime que le moment est venu de changer la donne pour fédérer l’écosystème de la traveltech et surtout donner naissance à des champions français du secteur, capables de rayonner à l’international dans le sillage de BlaBlaCar. "La traveltech a un potentiel énorme pour se développer mais on voit bien que depuis quelques années le secteur peine à faire émerger des champions. D’où l’intérêt de cet accompagnement pour aider startups, TPE, PME et ETI à se structurer, se développer et même s’exporter", indique Olivia Grégoire, ministre déléguée en charge des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme.

Les JO comme rampe de lancement

Dans le cadre du programme France Travel Tech, France Tourisme Lab, le réseau d’incubateurs et d’accélérateurs du tourisme, sera associé au processus d’accompagnement. Créée en 2016 sous l’impulsion de la DGE, cette structure a accompagné 400 startups, dont plus de 80 à l’international. Avec son soutien, ces jeunes pousses ont levé plus de 200 millions d’euros et créé 1 750 emplois. Par conséquent, l’expertise de cet organisme sera précieuse pour aider les entreprises à gagner des parts de marché et se développer à l’international.

Au-delà de faire rayonner un nouveau pan de la French Tech, le nouveau programme d’accompagnement est déployé dans le cadre d’une échéance majeure dans un an : les Jeux olympiques. "Notre objectif c’est de structurer l’écosystème, améliorer les levées de fonds, et que de nouvelles solutions innovantes émergent pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, mais ça n’est pas la finalité. C’est une étape importante mais nous avons la volonté de pérenniser cet accompagnement dans le temps pour répondre à d’autres de nos objectifs, comme faire de la France la première destination durable à l'horizon 2030. Le numérique en sera une des pierres angulaires", assure Olivia Grégoire.

C’est d’ailleurs dans cette perspective que l’opérateur public de tourisme Atout France, sous la houlette de la ministre, a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour inviter les startups du tourisme à développer des applications pour faciliter le parcours des voyageurs lors des Olympiades. Une manière aussi pour le gouvernement de dénicher d’éventuelles pépites de la traveltech.