La dernière étude semestrielle de l’Observatoire de la Fintech s’enrichit de nouveaux volets portant sur l'évolution des effectifs, les transformations réglementaires, et introduit un indice, Fintech#40. Ces ajouts visent à analyser avec finesse les performances et à décrypter les tendances d'un secteur en constante évolution, marqué par l'émergence continue de solutions novatrices destinées à améliorer et automatiser la prestation de services financiers avec un impact direct sur nos modes de consommation. 

D’après l’étude, réalisée en partenariat avec KMPG, eToro et Mastercard, en 2023, un montant total de 1,1 milliard a été levé dans le secteur Fintech au cours de 136 opérations. Cette somme représente une diminution significative de 57% par rapport à l'année exceptionnelle de 2022, durant laquelle la Fintech avait réussi à mobiliser 2,8 milliard d'euros au cours de 151 opérations.

“L’année 2023 se situe dans la poursuite linéaire de que l’on avait vu jusqu’en 2021. Tout le monde sait que les années 2021 et 2022 ont été atypiques en raison de l’abondance de liquidités. On revient à la normalité tant sur le nombre de levées que sur les montants, analyse Mikael Ptachek, président de l’Observatoire de la Fintech. Ce retour à la normal s’illustre également par la diminution du nombre de méga deal. On ne compte qu’une seule et unique levée de fonds supérieure à 100 millions d’euros, celle réalisée par Ledger, en mars dernier, quand l’année 2022 en comptait 7.”

La position des métiers leaders de la Fintech évolue

Comme chaque semestre, l'étude réalisée par l’Observatoire met en lumière la diversité du secteur Fintech, composé de neuf métiers distincts : le paiement, le crédit, les banques en ligne, l'investissement, l'Assurtech, la Regtech, la blockchain et les crypto-actifs, le middle & le back office, ainsi que les services aux acteurs financiers.

Cette année, bien que l'Assurtech conserve sa position en tête en cumul depuis 2010, une inversion de tendance est observée. Elle cède sa place au profit du middle & back office au cours de cette période spécifique, démontrant ainsi la dynamique changeante au sein du paysage de la Fintech et la capacité du secteur à réagir aux évolutions du marché et aux besoins émergents.

“Cette année, les solutions Middle et Back Office ont capté 27 % des fonds levés, soit environ 300 millions d'euros”, détaille Gregory Maulion, vice-président, Head of Digital Partner chez Mastercard et membre de l’Observatoire. Et d’énumérer les solutions les plus attractives pour les investisseurs : “les solutions de prévisions financières de l'entreprise, les solutions de pilotage de l'entreprise, et la digitalisation des notes de frais séduisent. Des exemples concrets de ce succès incluent Pigment, qui a réuni 82 millions d'euros, Indy avec une levée de 40 millions d'euros il y a trois semaines, ainsi que Pennylane qui a obtenu un financement supplémentaire de 30 millions d'euros.

Cette tendance souligne l'importance croissante des solutions axées sur l'efficacité opérationnelle et la gestion financière au sein du secteur Fintech, mais un autre métier se démarque également : les services aux acteurs de la finance. “Ces solutions représentent 20 % des levées de fonds soit 215 millions d’euros. On y trouve beaucoup de startups dans le domaine de la cyber sécurité et de l’ESG.”

Cependant, même si Ledger a réussi à propulser le secteur de la blockchain en tête grâce à une transaction majeure de 100 millions d'euros, Gregory Maulion le considère comme un "épiphénomène". Il admet que les autres investissements dans ce domaine demeurent beaucoup plus modestes. 

Poursuivant ses réflexions, il affirme que l'ensemble de ces indicateurs offre néanmoins des perspectives significatives sur l'avenir. « Nous observons un pivotement des fintech enablers vers des modèles plus rentables et monétisables. Les solutions pour les PME connaissent une croissance notable, tout comme les solutions en faveur des employés, telles que Swile, qui témoigne d'une croissance très marquée en France et à l'international », explique Grégory Maulion. 

Les réglementations du secteur se durcissent

À l'approche de la fin de l'année 2023, l'Observatoire s’est aussi intéressé aux transformations réglementaires. L'écosystème Fintech est profondément marqué par une régulation intense. Parmi les 475 fintechs toujours actives ayant levé des fonds, 187 d'entre elles sont régulées, cumulant plus de 4,5 milliards d'euros sur un total de 9,2 milliards. La régulation se décline en plusieurs formes, englobant des établissements de crédit soumis aux règles bancaires classiques, des acteurs de paiement opérant sous des agréments spécifiques, des plateformes de financement participatif réglementées, des sociétés spécialisées dans les cryptoactifs et des intermédiaires financiers et en assurance inscrits à l'ORIAS.

François Faure, expert Compliance et Contrôle Interne, rappelle que les réglementations devraient s’intensifier dans les mois à venir : Les plateformes de financement participatif avaient jusqu’au 10 novembre 2023 pour obtenir l’agrément « Prestataire de service de financement participatif » (PSFP) et ainsi continuer à proposer leurs services. C’est un agrément beaucoup plus lourd que le statut CIP précédent. C’est la raison pour laquelle certaines sociétés ont fusionné et d’autres ont mis en pause leurs activités, explique-t-il. 2024 sera une année très riche d’un point de vue réglementaire, notamment dans le marché des cryptos qui va faire l’objet d’une profonde transformation avec l’arrivée du règlement  européen MiCa. A cela s’ajoute l’extension de la travel rule qui consiste en un désanonymisation partielle des transactions cyptos. Le secteur informatique ne sera pas en reste avec l’entrée en vigueur, en janvier 2025, de la Dora (Digital Operational Resilience Act) relative aux incidents informatiques qui devrait impacter un très grand nombre de fintechs. Sans oublier que l’AMLA (ndlr : la nouvelle agence européenne de lutte contre le blanchiment) arrive en 2024, promettant, elle aussi, une actualité très riche.”

Un second volet récent consacré aux effectifs de la Fintech souligne qu'en dépit d'une conjoncture difficile, aucun secteur de la Fintech n'affiche une baisse nette, mettant en évidence un bassin de 32 000 emplois qui ne cesse de prendre de l'ampleur par rapport au secteur traditionnel.

L’arrivée de l’indice Fintech#40

Ultime nouveauté de rapport semestriel de l’Observatoire de la Fintech, l’arrivée de l’Indice Fintech#40. “L'émergence croissante de Fintech cotées à l'échelle mondiale suscite un intérêt accru. Il nous a semblé judicieux d'étudier un indicateur de valorisation de la Fintech, étant donné que les levées de fonds privées habituellement analysées ne permettent pas une lecture transparente et homogène. C'est pourquoi nous avons choisi de mettre en place cet échantillon emblématique de 40 fintech avec une analyse qui a débuté en 2018", déclare Mikael Ptachek, président de l’Observatoire de Fintech.

Cette approche élargie permettra de mieux appréhender la contribution des fintech à l'économie et d'évaluer leur dynamisme à l'aune des fluctuations des marchés boursiers. "En cette fin d’année, les résultats montrent que 80 % des fintech cotées sont originaires des États-Unis. Les tendances depuis 2018 suivent de près celles du Nasdaq, avec des performances positives en 2018, 2019 et 2020. En revanche, 2021 est marquée par un repli qui s'accentue en 2022, entraînant une baisse de près de 50% de la valorisation globale, revenant ainsi aux niveaux de 2018. En contraste, l'année 2023 témoigne d'une reprise, suivant la tendance générale du marché financier. La somme des capitalisations boursières des 40 sociétés de l’indice à fin novembre 2023 totalise 535 milliards USD", indique Antoine Fraysse-Soulier, responsable de  l’analyse des Marchés eToro.