Cathay Innovation veut jouer un rôle clé dans le développement de l’écosystème français de l’intelligence artificielle. Alors que l’effervescence dans le secteur est palpable dans l’Hexagone, comme en témoignent la récente levée de fonds de 385 millions d'euros de Mistral AI et l’annonce de la création du laboratoire Kyutai sous l’impulsion de Xavier Niel, la filiale du fonds Cathay Capital estime qu’il est indispensable de créer une chaîne de financement suffisamment souple pour les entrepreneurs tricolores afin qu’ils ne soient pas relégués dans le dernier wagon du TGV de l’IA générative.

Pour y parvenir, Denis Barrier, le co-fondateur et directeur général de Cathay Innovation, a réfléchi à une approche innovante, qu’il a présentée à la presse à Paris. «Le modèle actuel de capital-risque en Europe ne marche peut-être pas avec la vague actuelle de l’IA. Or nous avons besoin d’un marché financier européen qui fonctionne bien. Sinon, nous allons manquer la dernière marche», estime-t-il. Et d’ajouter : «Il est impératif de se différencier pour se démarquer. Et il faut penser verticalement pour être différent.»

«Nous allons allouer entre 50 et 100 millions d’euros pour les fondateurs de la French Tech»

En effet, plutôt que de miser sur un modèle horizontal où les différentes couches de l’intelligence artificielle se superposent (infrastructure, modèles données, applications…), Cathay Innovation préfère opter pour un modèle où l’IA est à la base des quatre verticales que le fonds cible : la santé digitale, la consommation digitale, la fintech, et les services digitaux pour l’énergie et la mobilité. «L'IA va devenir la colonne vertébrale de l’économie dans les dix ans qui viennent. Par conséquent un retard pris en début de cycle n’est pas rattrapable en milieu de cycle», analyse Denis Barrier.

Pour que les entrepreneurs français du secteur puissent immédiatement se mettre en ordre de bataille, Cathay Innovation veut ainsi leur faciliter l’accès aux capitaux nécessaires à leur développement. Dans cette optique, il est question de piocher dans le fonds Cathay Innovation III lancé l’an passé. Doté d’un milliard d’euros celui-ci peut permettre en effet d’avoir les coudées franches pour accélérer. «Nous allons allouer entre 50 et 100 millions d’euros pour les fondateurs de la French Tech, qu’ils soient basés en France ou ailleurs. Nous allons pouvoir être là dès le début, avec des chèques importants en amorçage», assure Denis Barrier.

Dans ce cadre, il est prévu de miser sur des tickets de démarrage compris entre 5 et 10 millions d’euros, et le fonds envisage même d’investir jusqu’à 100 millions d’euros pour une startup «qui accomplirait pleinement son ambition». Une telle mécanique financière doit permettre de faire en sorte que les entrepreneurs restent concentrés sur leur projet, plutôt que leur énergie se perdre dans des tours de table chronophage. «L’objectif est d’éviter que la dynamique d’une startup ne soit impactée, en permettant aux fondateurs de ne pas perdre du temps à chercher des capitaux», résume Denis Barrier. A ses yeux, une telle perte de temps pourrait en effet s’avérer fatale pour tirer profit du potentiel de l’IA.

«Les corporates vont avoir un rôle de plus en plus important dans le financement de l’IA»

Toutefois, Cathay Innovation ne veut pas seulement mobiliser de l’argent pour tirer son épingle du jeu. Le fonds souhaite également mettre à profit un réseau mondial de contacts pour faciliter les mises en relation entre les entrepreneurs et des acteurs pertinents dans l’IA en s’appuyant sur une équipe répartie entre l’Europe, les États-Unis et l’Asie, trois zones clés pour se démarquer dans le secteur. «Un tel réseau AI First peut faire une énorme différence», estime Denis Barrier.

Outre un carnet d’adresses pertinent pour simplifier les connexions globales dans l’IA, Cathay Innovation veut également faciliter l’accès à un écosystème industriel pour «essayer de catalyser les collaborations fructueuses entre les nouveaux entrepreneurs de l’IA et les grands groupes». Un impératif pour que les jeunes pousses puissent rapidement passer à l’échelle et ainsi décupler leur force de frappe à l’international.

«Les corporates vont avoir un rôle de plus en plus important dans le financement de l’IA, et pas seulement en late-stage. On le voit déjà aux États-Unis, avec Google Microsoft et Meta. Dans un moment où les points d’arrivée de la révolution IA sont encore flous, il existe une valeur ajoutée claire à mettre en contact très tôt les startups et les industriels», note Denis Barrier. «Combiner le financement, le réseau et l’implication des grands groupes, cela apporte une vraie proposition de valeur», ajoute-t-il. Une approchée complétée par une plateforme digitale pour donner accès aux entrepreneurs à de larges compétences sur l’IA, avec une analyse fine des verticales de Cathay Innovation réalisée par les équipes des fonds. «L’idée est d’aider les startups à avoir une vision plus large du marché», indique Denis Barrier.

«Nous sommes là pour financer the next big thing»

Avec ce triptyque Cathay Innovation espère se positionner comme un acteur incontournable pour faire décoller les startups françaises de l’IA, alors que Mistral AI vient de lever 385 millions d’euros en cette fin d’année. Avec plus de 1 300 jeunes pousses spécialisées dans l’IA, l’Hexagone a des arguments à faire valoir, mais il faudra faire mieux à l'avenir alors qu'OpenAI a pu compter sur 13 milliards de dollars d'investissements de Microsoft depuis 2019.

«La France peut prétendre à être le troisième pays du monde dans l’IA dans quelques année, et nous pensons être bien placés pour répondre aux besoins du marché», assure Denis Barrier. Avant de conclure : «Nous sommes là pour financer the next big thing.» C’est ce qui s’appelle afficher clairement ses ambitions.