Problèmes de santé, plans sociaux, levées de fonds annulées, bad buzz… Comment communiquer quand l’entreprise se heurte à des difficultés pouvant impacter fortement sa pérennité ? Thierry Vignal, CEO de Masteos, n’a pas de réponse péremptoire mais partage sa vision de l’entrepreneuriat dans l’écosystème startup : « J’ai constamment une crise ou une situation critique à gérer depuis la création de Masteos qui est d’ailleurs née en plein chaos du COVID. » La crise permanente, concept oxymorique, est peut-être l’aspect le plus complexe à appréhender lorsque l’on dirige une startup. 

Masteos fait face à des défis colossaux pour assurer la continuité de l’entreprise, impliquant des plans sociaux. Elle a d’ailleurs demandé le placement de sa holding en redressement judiciaire. Au lieu d’opter pour un discours spécieux, Thierry Vignal a préféré la transparence : « Communiquer sur une situation de crise, c’est un jeu d’équilibriste entre transparence et opacité. D’un côté, on craint que cela affecte les fournisseurs et les actionnaires, surtout à l’ère de l’instantanéité sur les réseaux sociaux où les mauvaises interprétations sont irrémédiables. De l’autre, on a un devoir de clarté envers les équipes au risque de les stresser. » Il n’y a donc pas de recette sur étagère mais davantage une analyse selon deux paramètres : la prise en compte du contexte et l’analyse d’impacts. Alexis Eve, CEO de Yaniro, entreprise qui accompagne les startups sur ces sujets RH critiques, proposent quelques pratiques pour muscler la gestion de crise.  

Avant la crise : clarifier les attentes et sensibiliser aux risques

Avant même qu'une crise ne survienne, il est essentiel d'être transparent sur les risques immanents à la vie d’une startup. « Il faut informer les candidats et les salariés qu’évoluer en milieu startup implique peu de visibilité et une fin possible. Ça passe aussi par de la pédagogie sur les indicateurs financiers. Par exemple en expliquant la signification du “runway” (la durée de temps pendant laquelle une entreprise peut fonctionner sans avoir besoin de financement supplémentaire) : à quoi correspond-t-il et comment le jauger dans le contexte startup ? », explique Alexis Eve.

« Travailler en startup, c’est vivre dans l’itératif permanent et l’instabilité : les équipes sont confrontées à des problèmes réguliers. » Il semble important d’atténuer les incompréhensions en les éduquant sur la réalité du contexte entrepreneurial. En ce sens, pourquoi ne pas investir dans des formations en faveur de la résilience collective ? Cela peut inclure des séances de formation, des simulations de crise et des exercices pratiques pour renforcer la préparation émotionnelle.

Communication de crise structurée : fondateurs et managers en tandem

« Il faut une communication à deux niveaux portée par les fondateurs et les managers. Les premiers donnent la trajectoire stratégique, tandis que les seconds gèrent l'opérationnel », insiste Alexis Eve. Attention, pour que la communication soit bien reçue et efficace, le modèle top-down est à éviter au profit du mode interactif. Pour cela, deux sessions de « Ask Me Anything » sont à planifier : l’une qui rassemble les fondateurs et les managers pour que ces derniers disposent de la primeur de l’information et soient prêts pour répondre aux requêtes de leurs collaborateurs. Puis la seconde session est à prévoir en collectif avec l’ensemble des équipes. « En termes d’organisation, je préconise, un quart du temps consacré à de l'information et le reste aux questions des salariés afin de favoriser l'engagement et la compréhension. » Les managers prennent ensuite le relais auprès de leurs équipes. 

De plus, en pleine crise, personne n’aime le flou. C’est pourquoi Alexis Eve enjoint les CEO à bâtir un plan d’action « pour redonner un sentiment de contrôle ». Des points d’avancement sur la situation doivent ensuite être organisés afin de donner de la visibilité et redonner confiance aux équipes. 

Une équipe RH bien dotée et du soutien à tous les niveaux

Il est d’abord conseillé de se doter d’une équipe RH robuste. « Assurez-vous que l'équipe des ressources humaines est bien dimensionnée, représentant entre 4 à 7 % du headcount total. Leur rôle est crucial pour soutenir les collaborateurs dans les moments difficiles », souligne Alexis Eve. 

« De plus, offrir du coaching et de la formation aux managers permet de les préparer à jouer un rôle crucial dans la communication et le soutien des équipes pendant les périodes de turbulences. » Proposer un accompagnement psychologique et de l'écoute aux collaborateurs reste une soupape clé dans des environnements en mouvement tels que les startups… même hors période de crise notoire. « Des plateformes comme Moka.care ou Alanmind sont très bien à condition de communiquer sur les objectifs de ces dispositifs : qualité de vie au travail, bien-être… », explique Alexis Eve.

Pour les CEO, les périodes de crise sont souvent très difficiles à gérer émotionnellement car les relations avec les salariés sont altérées par la peur. « D’abord, choisir son board n’est pas anodin. Ensuite, s’entourer de pairs, de mentors ou d’un coach s’avère indispensable », conclut Alexis Eve.