Alors que l'intelligence artificielle s'impose dans tous les secteurs stratégiques, la finance cotée n'échappe pas à la révolution en cours. Invitée de l’événement M/K IA, organisé par Maddyness et dédié à l'Intelligence Artificielle (IA) le 29 avril 2025, Delphine d'Amarzit, Chairman et CEO d’Euronext Paris, a partagé une analyse sans concession sur l’intégration de l’IA dans les marchés financiers. Entre accélération technologique, enjeux de souveraineté et défis réglementaires, Euronext affine sa stratégie pour rester compétitif sans perdre sa maîtrise opérationnelle.
Dès l'introduction, Delphine d'Amarzit a posé les bases : « Pour nous, l'IA, c'est un gigantesque cas d'usage dans toutes les couches d'intervention sur les marchés ». Les premiers à avoir tiré profit de l’IA sont les traders haute fréquence, ou "apporteurs de liquidités", qui optimisent leurs algorithmes pour identifier les meilleures opportunités d’exécution en temps réel. Cette dynamique renforce la compétitivité des places boursières, y compris Euronext, dans un environnement de trading fortement concurrentiel.
L'IA s'étend aussi à la gestion de portefeuille et à l’analyse des sentiments de marché. D'Amarzit souligne l’importance croissante des outils capables de “capter intégralement, par exemple, l'ensemble des conférences d'analystes” pour détecter des signaux d’inflexion avant même qu'ils ne soient visibles. “On a vu s'inverser la tendance le mois dernier de manière très rapide, très documentée, très complète”, explique-t-elle, illustrant la capacité de l’IA à anticiper les dynamiques boursières.
En interne, Euronext utilise l’IA pour automatiser et sécuriser ses processus de trading. L’Autorité des marchés financiers impose en effet que les transactions soient “justes et ordonnées”. L'IA renforce cette mission en optimisant la surveillance des anomalies et des comportements frauduleux : “Il faut chercher dans cette botte de foin des comportements qui peuvent s'expliquer” rappelle-t-elle, mettant en avant la complexité du monitoring boursier.
Une stratégie d’autonomie face aux risques liés à l’IA
Pour Delphine d'Amarzit, l'intelligence artificielle s’inscrit dans une dynamique continue d'innovation des marchés financiers. “Pour nous, l'IA, c'est un gigantesque cas d'usage dans toutes les couches d'intervention sur les marchés”, a-t-elle rappelé en ouverture. Déjà adoptée depuis plusieurs années par les traders haute fréquence pour optimiser la recherche du “meilleur lieu de transaction”, l'IA s'impose aussi dans la gestion de portefeuille et l’analyse du sentiment de marché. “On a vu s'inverser la tendance le mois dernier de manière très rapide, très documentée, très complète”, souligne-t-elle, illustrant la capacité des outils d’analyse du langage à anticiper les mouvements boursiers.
En interne, Euronext renforce l’intégrité de ses opérations grâce à l'IA, afin de détecter plus efficacement les anomalies et garantir que chaque transaction soit “juste et ordonnée”, dans un contexte de marché de plus en plus complexe.
Financer l’IA : un défi structurel pour l’Europe et pour la Bourse
En deuxième partie de son intervention, Delphine d'Amarzit a analysé l'impact de l’IA sur les dynamiques d'investissement. L'essor de l’IA a “fortement bousculé les équilibres de valorisation”, créant des “rotations sectorielles“ entre gagnants et perdants. Elle distingue quatre couches d’investissement dans l’IA : le hardware (data centers, connectivité), où l’Europe dispose d'atouts énergétiques avec son électricité décarbonée ; les modèles fondamentaux d'IA, très capitalistiques “avec un enjeu de concentration massif” ; les outils intermédiaires (API, plateformes) ; et enfin, les applications métiers, où “une nouvelle génération de logiciels” est en train d’émerger. Le financement de ces couches est déterminant pour l'autonomie européenne. D’Amarzit cite le cas emblématique de Mistral AI : “Au deuxième tour, [Mistral] a déjà une très nette majorité de financements américains”, soulignant la difficulté à garder sous contrôle les champions européens de l’IA.
Dans ce contexte, la Bourse peut jouer un rôle décisif, en permettant aux jeunes entreprises d'accéder au financement post-amorçage. Mais la CEO avertit : “On ne peut pas automatiser la construction de marchés performants”. La mobilisation de l’épargne, la création d'un marché européen de l’investissement et des réformes nationales profondes sont indispensables pour accompagner cette mutation. Delphine d’Amarzit conclut sur une note de vigilance : “Il faut réformer pour bien embarquer l’épargne”, affirmant que sans un environnement financier plus moderne et structuré, l’Europe risque de manquer une nouvelle fois la révolution en cours.