La neuvième édition de VivaTech a été tout à la fois vivifiante et stimulante pour la tech européenne et française. On a surtout retenu les annonces marquantes de Mistral AI, qui viennent rappeler opportunément l’importance de l’innovation souveraine. Des Cassandre annonçaient que la guerre du cloud était perdue au profit des Américains et des Chinois. Ils en sont pour leurs frais.

On l’a bien senti, pendant ces quelques jours à la Porte de Versailles : dans le sillage de Mistral, l’Europe a des cartes en main. Et elle peut réussir — à condition de les jouer sans trembler. L’enjeu est immense : rien de moins que notre souveraineté technologique et politique.

Ne réduisons pas le cloud à une simple commodité. C’est, au contraire, la clef de voûte de l’IA, de la cybersécurité, de la santé, de la recherche. Et dans un monde où les conflits sont aussi technologiques — bippers piratés, banques paralysées, désinformation automatisée — la souveraineté numérique n’est plus une option : c’est un impératif stratégique. Maîtriser ses infrastructures, c’est garder la main sur ses décisions… et sur son avenir.

Créer 300 000 emplois en Europe 

La situation actuelle n’est plus tenable. Près de 80 % des données critiques européennes sont hébergées par des acteurs soumis au Cloud Act. Ce qui signifie que le FBI ou la NSA peuvent exiger de Microsoft, Amazon ou Google la fourniture de ces données, même si elles sont stockées hors des États-Unis. C’est un peu comme un chasseur F-35 acheté par un pays allié, mais pilotable uniquement si Washington en donne l’autorisation. Inacceptable en défense. Pourquoi l’accepterions-nous dans le numérique ?

L’effort de souveraineté est pourtant à notre portée. Chaque année, nos entreprises technologiques transfèrent 250 milliards d’euros vers les États-Unis pour des services numériques. Réorienter ne serait-ce que 15 % de ces dépenses permettrait de créer plus de 300 000 emplois locaux, en soutenant notre écosystème entrepreneurial et industriel.

Renforcer l'indépendance stratégique 

Parallèlement, la filière française du cloud souverain s’organise. Des acteurs qualifiés SecNumCloud, engagés dans des initiatives européennes comme Gaia-X ou France 2030, proposent des services sécurisés, interopérables, sans dépendance juridique extraterritoriale. Dans les hôpitaux, les collectivités, les startups, des alternatives concrètes se déploient.

L’avenir numérique de l’Europe ne dépend pas d’un sursaut technologique, mais bien d’un sursaut de volonté. L’Europe n’a pas à cloner AWS. Elle peut construire un cloud à son image : transparent, sécurisé, durable, éthique. Dans cinq ans, ceux qui auront bâti ces infrastructures souveraines auront aussi bâti l’influence — et renforcé notre indépendance stratégique. Il ne s’agit plus seulement d’héberger des données, mais de faire société autour d’un numérique maîtrisé. Alors non, le match n’est pas perdu. Il vient juste de commencer !