Après plusieurs années de développement, Scintil Photonics entre dans une phase d’industrialisation à grande échelle. La startup grenobloise développe des circuits photoniques en silicium avec lasers et amplificateurs optiques intégrés Elle veut désormais faire passer sa technologie du stade de démonstrateur à celui de produit commercial, capable de répondre aux besoins croissants des infrastructures d’IA. Pour cela, elle lève 50 millions d’euros  en série B, menée par Yotta Capital Partners et NGP Capital, avec la participation de Nvidia, BNP Paribas Développement, Supernova
Invest et Bpifrance.« Cet investissement marque un tournant décisif pour Scintil, alors que nous passons à la
phase de déploiement à grande échelle », précise Matt Crowley, CEO de Scintil Photonics.

Conçue pour remplacer les modules optiques enfichables traditionnels, sa solution vise la prochaine génération d’optiques co-packagées (CPO), intégrées directement aux processeurs utilisés dans les clusters GPU. Pour Vincent Deltrieu, managing partner chez Yotta Capital Partners, le sujet est décisif : "Il n’y aura pas d’IA s’il n’y a pas une infrastructure hardware qui tient la route derrière". En clair, l’essor des grands modèles d’IA suppose une rupture sur le plan matériel, afin d’éviter que leur consommation énergétique n’explose.

Marché et trajectoire

La conviction de Yotta Capital Partners repose aussi sur l’ampleur du marché adressé. Vincent Deltrieu détaille : "Le marché directement identifié et adressable avec la solution actuelle, c'est environ 3 milliards de dollars à horizon 5 ans". À plus long terme "on parle de plusieurs dizaines de millions de composants à cette échéance".

Autrement dit, il ne s’agit pas d’un segment de niche mais bien d’un débouché industriel de masse, à la croisée des besoins des data centers, du cloud et de l’IA. Les analystes confirment cette tendance : selon Alan Weckel (650 Group), "Le marché des réseaux d’interconnexion des XPU (scale-up) représente une nouvelle opportunité pour les fournisseurs, avec une prévision de plus de 25 milliards de dollars pour 2029". Et le marché global des infrastructures réseau pour l’IA pourrait dépasser les 100 milliards de dollars par an d’ici la fin de la décennie.

La trajectoire de Scintil s’inscrit donc dans une logique double : répondre à une demande immédiate de clients déjà engagés dans l’IA, tout en se positionnant sur un marché appelé à exploser au cours des dix prochaines années.

Une stratégie “go to green”

Dans le cas de Scintil, la promesse n’est pas seulement technologique mais aussi énergétique. Ses solutions "peuvent réduire l’empreinte environnementale d’un facteur 6 à 7", insiste Vincent Deltrieu. Or, dans un contexte où l’entraînement de modèles d’IA peut consommer autant d’électricité qu’une ville moyenne, cette dimension devient stratégique. L’approche de Yotta Capital Partners illustre ainsi un virage plus large : investir dans le hardware n’est plus seulement une question de performance, mais de soutenabilité des infrastructures numériques.

L’enthousiasme des investisseurs n’efface pas les défis. Vincent Deltrieu est explicite : "Le défi pour Scintil aujourd’hui, c’est l’exécution technique et commerciale de son ramp-up", c’est-à-dire la montée en puissance industrielle. Cette étape implique à la fois des recrutements, une industrialisation robuste et un maillage international. Le plan annoncé combine l’ouverture aux États-Unis, où se trouvent les principaux clients du cloud et de l’IA, et un renforcement des équipes à Grenoble, au cœur de l’écosystème CEA. 

En d’autres termes, Scintil doit désormais démontrer sa capacité à livrer à grande échelle, tout en consolidant son ancrage technologique et industriel.