Mieux surveiller la rue pour le compte des collectivités territoriales. C'est la mission que s'est donnée la startup parisienne Vizzia. Fondée en 2021 par Katrin de Proyart et Alexandre Leboucher, elle développe des capteurs capables de détecter les dépôts sauvages et des dispositifs de vidéoprotection nouvelle génération, 100 % 4G/5G et déployables en quelques heures. L’entreprise met en avant une approche simple, conforme au RGPD et reposant sur des serveurs souverains. Elle annonce aujourd'hui en exclusivité pour Maddyness un tour de table de 16 millions d'euros mené par Headline, accompagné de Sistafund. Cette opération doit permettre à l’entreprise de renforcer son maillage en France et de préparer une expansion en Europe.
Une alternative souveraine aux solutions américaines
Déjà adoptées par plus de 200 collectivités, ses solutions ont permis de traiter 110 000 événements suspects en un an, avec une réduction allant jusqu’à 90 % des dépôts sauvages dans certaines communes. Parmi ses premières références, on retrouve Le Havre, Avignon, Hyères, Vénissieux, Montélimar, Saint-Tropez, Béziers ou encore Bonifacio. "Aujourd’hui, on travaille avec 200 villes de toutes tailles, des communes de quelques centaines d’habitants jusqu’à Avignon ou Le Havre", précise Katrin de Proyart.
De plus en plus de jeunes pousses se lancent et se développent sur ce secteur de la visiosurveillance comme Orasio, XXII ou Veesion. Cependant, à rebours de ces startups qui misent sur l’intelligence artificielle, Vizzia revendique une technologie volontairement "low tech". Ses solutions reposent sur des systèmes légers, comme la comparaison d’images ou la détection de mouvements, pour identifier dépôts sauvages ou comportements suspects. "On ne fera pas de computer vision en l’état, en France", explique Katrin de Proyart, qui insiste sur l’importance de rester conforme au cadre réglementaire et de privilégier la robustesse. Cette approche permet une mise en œuvre rapide, une maintenance réduite et des résultats concrets pour les collectivités.
Une stratégie commerciale de terrain
Cette levée va permettre à Vizzia de passer à la vitesse supérieure, avec une stratégie offensive sur le terrain. "Le premier, ça va être vraiment de prendre du territoire", explique Katrin de Proyart. "Quand on adresse les collectivités publiques, il faut une vraie présence. On ne peut pas vendre par Internet. Pour prendre du territoire, il faut avoir une équipe commerciale bien développée." Avant d’ajouter : "La deuxième chose, ça va être garder une avance technologique parce que pour devenir leader sur le marché, c’est une composante très importante."
Un positionnement en phase avec les enjeux géopolitiques
Derrière le déploiement de ses capteurs, Vizzia défend une vision stratégique de la tech européenne. La question de la souveraineté occupe une place centrale dans le projet. "On a un enjeu de souveraineté et avoir un fonds européen, c’est immense", précise la dirigeante. Elle insiste également sur la spécificité du produit : pensé dès l’origine pour répondre aux contraintes réglementaires et aux usages européens, il se distingue des solutions venues des États-Unis. "On a un produit qui, par nature, peut répondre aux besoins du marché européen, là où les quelques concurrents qui, dans notre cas, sont surtout américains, n’ont même pas essayé de rentrer sur notre marché."
L’entreprise vise désormais quatre pays prioritaires pour son expansion : l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. À plus long terme, elle ambitionne d’aller plus loin dans la chaîne de valeur, notamment en développant des logiciels favorisant la coopération interterritoriale pour traiter les incivilités et la délinquance.
Une tendance de fond en faveur de la tech souveraine
Cette opération illustre plus largement un mouvement de fond au sein de la tech européenne : de plus en plus de startups revendiquent des solutions conçues et hébergées en Europe pour séduire investisseurs et clients. En misant sur des infrastructures souveraines et une approche technologique volontairement simple, Vizzia entend démontrer qu’innovation ne rime pas nécessairement avec surenchère technologique. "Nous, on va avoir un positionnement sur à peu près toute la chaîne de valeur que ce soit les infrastructures, le lieu d’hébergement des données, le type d’accompagnement qu’on propose aux collectivités ; ça sera toujours souverain et une vraie vision européenne de la chose ", souligne Katrin de Proyart.
Alors que l’Europe cherche à se défaire de sa dépendance technologique vis-à-vis des géants américains et asiatiques, l’approche sobre et souveraine de Vizzia illustre une tendance de fond : celle de bâtir des champions européens sur des fondations plus résilientes.