23 mai 2022
23 mai 2022
Temps de lecture : 5 minutes
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Comment faire évoluer un salarié qui ne veut pas devenir manager

[Dossier sur le futur du travail 3/5] Signe de prestige et de réussite, le statut de manager ne répond plus aux aspirations d'un certain nombre de salariés, échaudés à l'idée de voir leur charge mentale exploser. Face à cette réalité, quelles évolutions les entreprises peuvent-elles leur proposer afin d’éviter que ces talents ne prennent la poudre d’escampette ?
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© Coline Girard

Article initialement publié le 18 octobre 2021

Au fil du temps, le rôle de manager a profondément évolué. Loin de se contenter de donner des directives, "ils doivent piloter, fixer des objectifs et évaluer leurs collaborateurs, mais aussi travailler en transversal avec les autres équipes et gérer l’humain, un peu comme un coach" , détaille Yves Grandmontagne, directeur stratégique du Lab Innovation chez Bloomin. Le numérique contribue également à accélérer ces changements. "Pendant la pandémie, les codes du management 'top down’'ont volé en éclat. Aujourd’hui, un manager doit favoriser l’harmonie, gérer la diversité des points de vue et assurer la sécurité mentale de ses salariés” , estime de son côté Jacques Reynaud, chief revenue officer chez Cooptalis. Face au stress et à la charge mentale engendrés par ces évolutions constantes et la multiplication des tâches qui leur sont demandées, certains d’entre eux craquent, perdent le goût du management et finissent parfois par démissionner.  

Résultat : si le challenge peut être exaltant, il tente de moins en moins "les profils brillants qui, dans un schéma traditionnel, auraient suivi cette évolution logique car ils n’ont pas envie d’augmenter leur charge mentale" , constate Yves Grandmontagne. Deux autres facteurs s’ajoutent à cette réticence : la volonté de conserver son expertise - que l’on perd souvent en devenant manager -  et l’absence d’envie de diriger d’autres personnes. Néanmoins, s’amputer de ses salariés est un risque réel pour les entreprises qui en ont besoin pour se développer.

Pour éviter qu’ils s’échappent dans une autre société, voici 5 solutions à envisager :

Contributeur et coordinateur de projet 

Pendant des décennies, la culture des entreprises a fonctionné sur un système d’ascension érigeant le statut de manager en une sorte de Graal. De manière assez basique, un employé particulièrement performant et agile dans son poste se voyait offrir la promotion de manager. Pourtant "être bon dans son poste ne signifie pas automatiquement qu’on sera un bon manager, ce n’est pas un gage de réussite" , souligne Yves Grandmontagne. Cette expérience acquise peut être mise en avant et mieux valorisée dans l’entreprise d'une autre manière. Cela nécessite un changement de vision de l’entreprise avec une révision des parcours et des postes visant à "faire évoluer le salarié pour qu’il continue à affûter son expertise dans le temps" . Il faut alors "créer des postes reconnus de tous et qui sont très bien payés" , sans qu’ils soient affublés du statut de manager. Yves Grandmontagne prend l’exemple des pilotes de ligne qui ne jouent pas le rôle de responsable mais d’expert lors d’un vol. 

En tant qu’expert, le ou la salarié pourra aussi être chargé·e d’apporter sa connaissance sur un projet en particulier au sein duquel il ou elle pourra à la fois être contributeur·rice mais aussi coordinateur·rice des différentes équipes associées. 

Devenir un mentor 

Un collaborateur ou une collaboratrice qui a atteint un certain degré d’expertise dans son métier peut également devenir un mentor au sein de la société. Loin de diriger une équipe, il ou elle aura alors vocation, en plus des tâches inhérentes à son poste, à accompagner un ou plusieurs salariés dans leur intégration et leur montée en compétences. Cette personne ne sera pas située au-dessus dans la hiérarchie mais jouera plutôt un rôle model de conseils pour aiguiller certaines recrues. À ce titre, elle devra être mise en avant par l’entreprise pour ses capacités. 

Changer de poste dans l’entreprise 

La mobilité interne est un sujet qui n’était absolument pas adressé par les entreprises il y a 15 à 20 ans, reconnaît Yves Grandmontagne. Mais faute de talents externes accessibles ou suite à des prises de conscience du potentiel qu’elles possèdent déjà en interne, elles s’y intéressent de plus en plus. Il s’agit d’ailleurs d’une voie à exploiter pour permettre aux salariés d’évoluer à d’autres postes. "Il faut alors que le salarié et la direction des ressources humaines arrivent à être imaginatifs pour tracer le parcours du salarié et trouver une solution hors de son domaine actuel qui lui convienne" , poursuit Yves Grandmontagne. Ce changement de poste doit s’accompagner d’un plan de formation pour obtenir les compétences requises par ce nouveau challenge. 

L'intrapreneuriat 

Pour ne pas perdre leurs talents et laisser leur expertise et leurs idées s’exprimer, pourquoi ne pas opter pour l’intrapreneuriat ? Cette solution permet au salarié en question de consacrer une partie de son temps à un projet intrapreneurial qui répond très souvent à une difficulté rencontrée dans l’entreprise (dans un process ou un produit) ou permet le développement d’un produit/service qui anticipe un besoin. "C’est une solution haute couture qui permet de répondre au souhait exact du salarié car on lui offre les moyens de développer son propre projet. C’est dans ces postures que ces éléments sont les plus performants" , poursuit Jacques Reynaud. 

La mobilité interne à l’étranger 

Les entreprises possédant plusieurs bureaux en France ou à l’étranger peuvent aussi proposer des solutions de mobilité interne à l’étranger. Dans ce cadre, le salarié peut être amené à développer un nouveau pôle ou réaliser les mêmes missions dans un autre environnement. "La mobilité internationale permet de se confronter à d’autres cultures, ce qui va créer des compétences réelles comme l’adaptabilité, la flexibilité, une autre manière de penser ou réfléchir" , assure Jacques Reynaud. En tant que gestionnaire de projets ou que managers pour ceux qui décideraient finalement de le devenir, "les expériences à l’international renforcent leur capacité à connecter les sujets de manière différente” . 

En parallèle de ces solutions, Yves Grandmontagne et Jacques Reynaud appellent néanmoins à revoir et repenser la notion de management telle que nous la connaissons pour lui (re)donner ses lettres de noblesse.

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