21 janvier 2022
21 janvier 2022
Temps de lecture : 8 minutes
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Le pilote Olivier Lombard, un entrepreneur engagé dans la course à la voiture à hydrogène

Des sportifs de haut niveau se lancent dans l’entrepreneuriat. Leur point commun : faire de leur esprit exigeant, acquis au cours de leur carrière, le moteur de leur nouvelle aventure. Nous consacrons une série de portraits à ces femmes et hommes à part. Au tour du pilote automobile Olivier Lombard, fondateur de Hopium.
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Flavie Trichet-Lespagnol pour Maddyness

Mise à jour d'un article paru le 4 mars 2021

En 2011, il est devenu le plus jeune vainqueur de toute l’histoire des 24 Heures du Mans, en catégorie LMP2. Rien n’était moins sûr pour le pilote automobile Olivier Lombard, qui a de nombreuses fois été confronté à des doutes… avant que des opportunités s'offrent à lui. Ce schéma ne s'est pas présenté pas à lui sur le seul front du sport. En 2019, fort d’une expérience au sein de l’entreprise suisse GreenGT, il décide de fonder à Paris sa propre startup : Hopium – qui, cotée en Bourse depuis fin 2020, a annoncé le transfert effectif au 20 janvier 2022 de ses titres sur le marché Euronext Growth Paris. Son ambition est de mettre sur le marché, d’ici à 2026, la première berline à hydrogène destinée au grand public. Et, pour séduire ce dernier, il s’agit d’allier esthétisme et prix raisonnable. Une équation difficile, qu'Olivier Lombard veut en partie résoudre en mobilisant les ressources développées lors de sa carrière sportive.

Un virage bien négocié vers l’entrepreneuriat

C’est au karting que le pilote automobile de presque 30 ans – il les fêtera fin avril 2021 – a fait ses "premières armes, comme la plupart des débutants". Issu d’une famille de passionné·e·s de sports mécaniques, il a notamment pu compter sur le soutien de son père, Jean Messaoudi, qui a lui-même participé aux 24 Heures du Mans à trois reprises à la fin des années 80. "Il est depuis passé par tous les postes, de pilote à directeur d’écurie" , raconte à Maddyness Olivier Lombard, visiblement admiratif. Bien accompagné, ce dernier parvient à intégrer le BMW Junior Team avant de participer à son premier championnat d’Europe en monoplace en 2009. "Cette période a été très formatrice. Cela a été un tremplin vers l’univers de la Formule 1" , explique le pilote, qui précise cependant avoir alors pensé "arrêter définitivement le sport automobile, faute de débouchés".

C’est dans le cyclisme que le pilote a tenté une reconversion… qui a été de courte durée, puisqu’il a finalement été démarché pour participer aux 24 Heures du Mans. Une première course d’endurance. "Cela consiste en 4 à 6 heures de compétition, le plus souvent dans le cadre d’un équipage de 2 à 3 pilotes" , explicite Olivier Lombard, pour qui cette tentative a été couronnée de succès. Le Francilien de naissance réalise de très bons résultats avec l’écurie suisse Hope Polevision Racing, s’offrant de "supers podiums jusqu’en 2010". De quoi l’inciter à se présenter à la journée test des 24 Heures du Mans l’année suivante. "Je ne connaissais pas le véhicule que j’ai conduit à cette occasion. J’avais fait quelques tours de circuit seulement avant de me lancer" , se remémore Olivier Lombard. Ce qui ne l’a pas empêché de taper dans l’œil de l’écurie britannique Greaves Motorsport, avec laquelle il s’engage dans sa première course en catégorie LMP2 (Le Mans Prototype) – réservée aux écuries privées, quand les voitures d’usine ou de constructeurs participent en LMP1.

Vainqueur de l'édition 2011 en LMP2 et 8e au généra des 24 Heures du Mans, Olivier Lombard devient dans la foulée vice-champion d’Europe avec cette même écurie. Pensionnaire de Signatech-Nissan en 2012, il se classe alors 30e avec ses coéquipiers au championnat du monde d’endurance FIA. Il s’agit de sa dernière expérience marquante en tant que pilote. "J’ai à nouveau participé aux 24 Heures du Mans en 2013, avant de faire un peu de grand tourisme (GT) en Porsche" , pointe-t-il. C’est à cette époque qu’il négocie un virage vers l’entrepreneuriat. Sollicité pour ses qualités de pilote par le laboratoire d’ingénierie suisse GreenGT, qui développe divers véhicules de compétition automobile à hydrogène, il se sent d’abord quelque peu décontenancé. "C’était bizarre de passer du côté technique. On parlait de piston, de filtre… Il a fallu se familiariser avec les composants" , se souvient Olivier Lombard, alors chargé des essais des véhicules en lien avec les ingénieur·e·s.

L’aventure Tesla comme modèle

C’est de cette manière que le pilote est devenu le tout premier à conduire une voiture de course à hydrogène. "Je suggérais des pistes d’amélioration à partir des performances du véhicule" , détaille-t-il. Pendant 8 ans, cette collaboration aura "nourri" sa propre réflexion entrepreneuriale. "C’est en 2018 que je me suis demandé pourquoi ne pas développer, de mon côté, un véhicule destiné au grand public. Après tout, je connaissais la technologie à ce stade, raconte Olivier Lombard, faisant part de son intérêt pour Tesla. En observant le parcours d’Elon Musk, j’ai acquis la conviction que c’était possible en partant de pas grand chose." Constatant que les rares voitures à hydrogène conçues pour le marché B2C "n'étaient pas raffinées et trop chères" , le pilote automobile parie sur sa connaissance de l’écosystème pour faire valoir sa crédibilité dans le domaine. Avant même de se lancer en quête de fonds, à la création de Hopium en 2019, il prend contact avec Félix Godard – un designer français qui a travaillé pour Porsche, Tesla ou Lucid.

"C’était un jour de pluie, comme il y en a peu à Los Angeles. Je lui ai demandé de dessiner une voiture qui représente l’idée qu’on se fait de l’avenir, se remémore Olivier Lombard. Il y a eu beaucoup d’itérations, parce qu’on avait du mal à se détacher de Tesla au départ". Une fois le modèle choisi (cf. visuel ci-dessus), la construction de l’équipe de Hopium a commencé. La startup compte, à date, une vingtaine de salarié·e·s… et prévoit "au moins de tripler" ses effectifs d’ici à la fin 2021. "Nous devons encore nous renforcer sur les compétences techniques, alors qu’un premier prototype sera présenté en juin" , assure le pilote, qui se fournit en composants auprès de partenaires industriels. À l’image de sa carrière sportive, Olivier Lombard mise sur ceux qu’il surnomme ses "coéquipiers" pour mener son projet entrepreneurial : "C’est toujours la même approche : il faut avoir les meilleurs éléments et nourrir l’esprit d’équipe."

"Dépasser un adversaire au freinage"

Les deux carrières du pilote sont intrinsèquement liées. Le pilote de voiture de course est aussi celui qui met au point un véhicule d’un genre nouveau. Il affirme que cette spécificité lui a permis de se positionner très en amont sur le véhicule à hydrogène haut de gamme, un créneau qui n’aurait selon lui pas encore été investi par la concurrence. "Le lien avec le sport est clair : tout se joue sur la prise de décision. Quand je suis au volant, il faut que je saisisse une opportunité pour dépasser un adversaire au freinage" , note Olivier Lombard, qui estime qu’il faut notamment "savoir se battre pour trouver des fonds" pour se financer.

Des fonds, Hopium en a trouvés à deux reprises. En 2020, la startup a collecté 1,7 million d’euros. Début 2021, elle a annoncé avoir bouclé un tour de table de 5 millions. "C’est une technologie qui implique beaucoup de recherche et développement. Cela peut d’ordinaire inquiéter les investisseurs, mais d’autres jeunes entreprises telles que Lucid ont réuni des enveloppes conséquentes. Nous arrivons à un moment où la sécurité de l’hydrogène n’est plus à prouver" , affirme Olivier Lombard, assurant que le prototype qui sortira dans moins de 4 mois démontrera aux financeurs que la startup "dit ce qu’elle fait et fait ce qu’elle dit". Comme dans la pratique sportive, il s’agit selon ses mots d’"éviter le faux départ le jour J".

Reprendre le chemin des circuits automobiles

Les transports représentent encore 72 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale. "Le fait de décarboner va faire chuter ce chiffre. La crise [liée au Covid-19, N.D.L.R.] a plutôt été une source d’opportunités, puisqu’elle a braqué les projecteurs sur la problématique environnementale. Hopium s’inscrit dans cette démarche" , avance ainsi Olivier Lombard. Si l’agenda de l’entrepreneur sera donc chargé ces prochaines années, il laissera tout de même le sportif s'exprimer. Le pilote n’entend, en effet, pas prendre sa retraite de sitôt. Sa dernière course officielle remonte à 2017, mais la création d’une catégorie hydrogène aux 24 Heures du Mans en 2024 l’enchante… et constitue, pour lui, l'occasion rêvée de faire son grand retour sur les circuits automobiles.

Et l’ambition est intacte. "J’aimerais remporter la compétition et, pourquoi pas, au volant d’une voiture Hopium adaptée pour l’événement à l’horizon 2030" , assène-t-il, précisant "se maintenir en forme physiquement" dans l’entre-deux – gym et cardio, un rituel auquel "les entrepreneurs devraient se livrer afin de se défouler" selon lui. Les réflexes au volant ? Olivier Lombard n’imagine pas une seconde pouvoir les perdre : "Ils reviennent au bout d’une journée d’essais. Je pilote également des avions en loisirs, cela me permet de garder une bonne acuité par ailleurs."  Le tout juste trentenaire entend boucler la boucle en se servant des 24 Heures du Mans comme d’un "laboratoire pour les nouvelles technologies". De quoi offrir, si la victoire était au rendez-vous, la vitrine internationale qu’attend d’ores et déjà Hopium.

Retrouvez les précédents articles de cette série :

  1. Alexandre Caizergues, recordman entrepreneur
  2. Sarah Ourahmoune, l'entrepreneuse qui boxe les idées reçues
  3. Le basketteur Axel Toupane, un investisseur influencé par la NBA