Quand il s’agit de citer la ville qui symbolise le rayonnement de la tech américaine à l’échelle mondiale, c’est bien évidemment San Francisco qui est sort en premier de toutes les bouches. Et pour cause, la ville californienne est le berceau d’innombrables startups, et la Silicon Valley adjacente est connue dans le monde entier pour avoir donné naissance à de nombreux mastodontes du numérique, à l’image de Google, Meta ou encore Apple.

Cependant, dans l’ombre de l’écosystème foisonnant de la côte Ouest américaine, New York monte sérieusement en puissance depuis quelques années. Il suffit de jeter un œil aux données de PitchBook pour s’en convaincre. Si les startups situées à San Francisco et ses environs ont levé près de 75 milliards de dollars en 2022, celles basées à "Big Apple", le deuxième centre névralgique de la tech américaine, ont, quant à elles, capté 29,5 milliards de dollars d’investissements, très loin devant Chicago (10,2 milliards) ou encore Miami (5,4 milliards).

"New York est vraiment devenu le one-stop-shop pour les entrepreneurs européens et israéliens quand ils veulent s’étendre aux États-Unis"

Pour Martin Mignot, Partner d’Index Ventures basé à New York depuis l’été 2022, aucun doute : la plus grande ville des États-Unis est "the place to be" pour les entrepreneurs européens qui veulent s’implanter sur le marché américain. "C’est vraiment devenu le one-stop-shop pour les entrepreneurs européens et israéliens quand ils veulent s’étendre aux États-Unis", estime ainsi l’investisseur tricolore.

A ses yeux, New York présente de nombreux avantages pour les dirigeants de startups européennes qui rêvent de l’Amérique, comme un décalage horaire moins contraignant qu’en Californie et un écosystème en plein essor qui n’a plus à rougir de la concurrence avec la Silicon Valley. "Au premier trimestre, il y a eu quasiment autant de deals en early-stage bouclés à New York qu’à San Francisco. Il y a vraiment un rattrapage très fort, mais qui est logique, au vu de la taille de l’économie locale et du fait que New York bénéficie d’une immigration très forte d’Europe et d’Amérique latine", explique le VC, qui s’est dingué avec des investissements dans Deliveroo, Revolut ou encore Swile. "Comme on le sait, l’économie a tendance à se renforcer là où les flux convergent et New York amène une convergence de flux, de capitaux et d’humains. New York est donc en train de grossir beaucoup plus vite que San Francisco, et donc de rattraper son retard relatif", ajoute-t-il.

"Quelqu’un qui n’a pas les codes locaux va faire des erreurs"

Aux premières loges pour observer la vitalité de l’écosystème new-yorkais, Martin Mignot s’attèle lui-même à son niveau à épauler les entrepreneurs et investisseurs européens avec la communauté Europeans of New York. Elle regroupe des Français, mais aussi des Britanniques, des Allemands, des Italiens ou encore des Scandinaves. "Il y a des entrepreneurs chevronnés qui veulent se stimuler, avoir une nouvelle expérience et sortir d’un écosystème plus local. Par exemple, les fondateurs de la fintech suédoise Tink, rachetée par Visa, sont en train de s’installer à New York pour réfléchir à leur prochain projet", indique le Partner d’Index Ventures.

Si les différences culturelles sont évidentes entre les deux côtés de l’Atlantique, le fonds préfère néanmoins voir l’Europe et les États-Unis comme "une seule et même zone dans laquelle on investit de façon totalement harmonieuse", assure Martin Mignot. "En interne, il n’y a aucune différence entre l’Europe et les États-Unis", ajoute-t-il. Mais il ne faut pas oublier pour autant qu’il y a tout de même quelques impondérables à prendre en compte. "Quelqu’un qui n’a pas les codes locaux va faire des erreurs. L’idée est donc de réduire le nombre d’erreurs et le temps que ça prend pour construire un business sur le marché américain", relève l’investisseur français. Cela passe notamment par le recrutement de profils locaux pour s’adapter aux spécificités américaines, mais il est essentiel d’avoir également des membres de l’équipe européenne pour créer un cadre de travail harmonieux entre les deux continents.

FrenchFounders et Spark Labs, des structures qui ont fait office de tremplin pour les entrepreneurs français et européens

Pour aider les entrepreneurs français et européens à prendre leur envol à New York (et pas seulement), des structures d’accompagnement ont vu le jour, à l’image de Spark Labs, créé par le Français Christophe Garnier, et de French Founders, club business qui réunit des fondateurs et dirigeants d’entreprises francophones dans le monde entier. Ces structures, mais aussi les événements organisés dans "la ville qui ne dort jamais" comme La French Touch Conference, ont ainsi contribué à créer un terrain de jeu favorable à New York pour les entrepreneurs du Vieux Continent. Des initiatives qui ont été amplifiées durant le mandat du maire de Bill de Blasio avec le lancement en 2015 de Digital.nyc, un portail Tech pour favoriser les interactions entre les différents acteurs de l’écosystème new-yorkais.

De quoi faire saliver les dirigeants de startups tricolores et européens alors que la Silicon Alley, le pendant de la Silicon Valley sur la côte Est des États-Unis, a pris une ampleur considérable au cours de la décennie écoulée. Né autour du Flatiron Building, cet écosystème technologique s’est depuis étendu plus largement à Manhattan et Brooklyn, attirant de facto des entrepreneurs américains et européens, mais aussi des ingénieurs et de grands groupes comme Google séduits par la politique menée par la Ville en faveur de la Tech et vie sociale et culturelle très dynamique.

Désormais, tout est réuni pour multiplier les belles histoires entrepreneuriales à New York, à l’image de celle du Français Pierre Valade, co-fondateur de Sunrise Calendar, application rachetée par Microsoft pour 100 millions de dollars en 2015. En pleine progression, l’écosystème new-yorkais espère ainsi rivaliser avec la Silicon Valley d’ici 2030 pour devenir un peu plus une plaque tournante incontournable de la Tech américaine, et par ricochet un passage obligé pour les entrepreneurs de l’hexagone et du Vieux Continent.