Dans le secteur des crytpos, les semaines se suivent et se ressemblent. Pas plus tard que lundi dernier, une nouvelle tentative d'enlèvement d'une personnalité de l'univers des cryptos a été déjouée par la police, près de Nantes, quelques minutes avant sa réalisation. Celle-ci fait suite aux plusieurs autres enlèvements ou tentatives qui ont lieu ces dernières semaines en France dans le secteur. Le 13 mai dernier, la fille du PDG de la plateforme d’achats et de revente des cryptomonnaies Paymium a été victime d’une tentative d’enlèvement en plein Paris, alors qu’elle se trouvait avec son bébé et son compagnon. Cette agression, d’une extrême violence, est survenue un peu plus de dix jours après une autre attaque. Début mai, le père d’un joueur de poker ayant fait fortune dans les cryptos a été enlevé dans le 14e arrondissement de Paris par quatre hommes cagoulés. Il a été séquestré pendant deux jours et a subi des actes de torture, dont notamment un doigt coupé. Ces deux agressions résonnent particulièrement avec celle dont a été victime David Balland, cofondateur de Ledger au mois de janvier. Séquestré pendant plusieurs jours, il avait été finalement libéré par les forces de polices.
Dans ce contexte, plusieurs personnalités de la cryptomonnaie se sont emparés du sujet, Eric Larchevêque, cofondateur de Ledger est devenu le porte-voix de ce combat. Les pouvoirs publics tentent eux de reprendre en main la situation. Le ministère de l'intérieur a annoncé quelques mesures il y a 15 jours pour rassurer le secteur. Le député Renaissance de l'Essonne Paul Midy s'apprête lui à déposer une proposition de loi dans les prochains jours, visant à mieux protéger les entrepreneurs des cryptos. Parmi les mesures phares, il veut masquer les adresses des dirigeants.
Maddyness : Votre proposition vise à pseudonymiser les données des dirigeants qui sont en accès public. Qu'est-ce que cela recouvre ? Cela est-il suffisant ?
Paul Midy : Aujourd'hui, les adresses personnelles d’un très grand nombre d’entrepreneurs sont accessibles en quelques clics sur les moteurs de recherche, notamment à travers les registres publics comme les extraits de Kbis.
Ma proposition est simple et concrète : je souhaite que les profils soient le plus possible « pseudonymisés » et en particulier que les adresses personnelles soient masquées pour le grand public et qu’on évite d’exposer inutilement le lieu de vie de nos dirigeants d’entreprises et leurs proches. En revanche, si demain les autorités ont besoin de ces adresses de domicile, il faudra qu’elles puissent continuer d’y avoir accès dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Ce système existe déjà pour les auto-entrepreneurs, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas l’élargir à tous les chefs d’entreprises sans distinction de secteur.
M : Quand est-elle déposée, et quel sera son processus ?
PM : Cette proposition de loi sera déposée dans les jours qui viennent. Les incidents qui ont eu lieu ces derniers mois ont généré un émoi dans tout l’écosystème. Il faut qu’on prenne le plus rapidement possible des mesures pour protéger nos entrepreneurs et leurs familles.
Le défi est de trouver le bon équilibre entre nos principes de transparence économique et la protection des données personnelles. C’est pourquoi avant de soumettre ce texte au Parlement, je souhaite échanger prochainement avec les acteurs de l’écosystème du web3 qui ont porté cette demande, mais aussi les organisations patronales ainsi que les plateformes d’information légale et financière.
Je souhaite qu’on aille vite. On pourra par exemple envisager de modifier rapidement le cadre juridique en passant par un amendement au projet de loi cybersécurité qui est déjà en cours de vote au Parlement.
M : Quelles sont les autres mesures que vous préconisez ?
PM : Dès la dernière tentative d’enlèvement qui a eu lieu dans les rues de Paris, j’avais directement demandé au ministre de l’Intérieur des mesures de protection renforcée et immédiate, en particulier pour nos entrepreneurs les plus menacés du secteur des cryptoactifs. Je salue les premières mesures qui ont été annoncées à l’issue de la concertation avec les acteurs du web3, et qui vont dans le bon sens. Elles vont permettre aux forces de l’ordre d’identifier les personnes les plus à risque, de mettre en place des mesures de sécurité spécifiques et les systèmes de vigilance nécessaires pour garantir la sécurité physique de nos entrepreneurs.
M : Êtes-vous d'accord sur le terme de « mexicanisation de la France » utilisé par Éric Larchevêque ? Craignez-vous un départ des entrepreneurs de la crypto vers d'autres pays plus sécuritaires ?
PM : Je comprends évidement le cri d'alarme d'Éric Larchevêque. La répétition par trois fois de ces méthodes d’enlèvement ultra violentes était inimaginable il y a encore quelques mois. Mais contrairement au Mexique, il est encore temps d’y mettre un coup d’arrêt définitif, c’est ce que j’ai demandé au ministre de l’Intérieur. Les délinquants et criminels en cause doivent être sanctionnés le plus rapidement et sévèrement possible. Notre objectif est que la France soit le hub de l’économie des cryptoactifs en Europe, nous avons construit un environnement attractif pour cela en France. La France est maintenant le premier pays d’innovation en Europe, cela doit continuer et je me battrai pour cela. C’est la condition de notre prospérité collective.