N26 pourrait lever 400 millions d’euros d’ici la fin de l’année, selon Bloomberg. Impossible de confirmer pour Valentin Stalf, cofondateur et CEO de la néobanque. Depuis 12 ans, la scaleup a récolté 1,8 milliard d’euros, mais elle est passée par plusieurs périodes difficiles, notamment après le Brexit. Aujourd’hui, elle plus de 10 millions de clients, dont 4,4 millions avec des revenus significatifs, en Europe. La France, avec ses 2,5 millions de clients, est l’un de ses deux principaux marchés en Europe, avec l’Allemagne.
Valentin Stalf a bien compris l’appétit grandissant des Français pour les finances personnelles et l'investissement, il continue de miser sur ce marché. N26 proposer, “au prochain trimestre”, des comptes PEA sur sa plateforme. “Nous sommes la première banque a proposer l’investissement dans tous les types d’actifs”, affirme le CEO.
Venu à Paris pour VivaTech, Valentin Stalf fait partie des entrepreneurs invités, ce mercredi 11 juin au dîner de l’Elysée, organisé en marge du salon. Il a d’abord pris un moment pour partager la roadmap de N26 dans les prochains mois.
Maddyness : Pourquoi êtes-vous venu à Vivatech cette année ?
Valentin Stalf : Les politiques d’innovation mises en place par Emmanuel Macron ces dernières années sont, à mon sens, un modèle à suivre. J’aimerais voir davantage de dirigeants politiques en Europe adopter ce type de stratégie. C’est une initiative très positive, et la France reste l’un de nos plus grands marchés.
M. : Une rumeur circule dans l’écosystème selon laquelle vous pourriez lever 400 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Pouvez-vous confirmer que vous êtes en train de boucler un nouveau tour de table ?
V. S. : Au cours des 12 dernières années, nous avons levé plus de 1,5 milliard d'euros en equity. Nous sommes toujours en discussion avec différents investisseurs, qu’ils soient historiques ou nouveaux. Cependant, je ne peux pas confirmer spécifiquement un processus de levée de fonds à ce jour.
M. : Quelles sont vos priorités et votre roadmap pour les prochains mois ?
V. S. : Ce qui est le plus enthousiasmant, c’est le développement de nos produits d'investissement et de trading, ainsi que la création de croissance avec nos clients, particulièrement en France.
L'un des nouveaux produits, spécifiquement lancé pour le marché français, est le compte PEA, qui offre une épargne avec une fiscalité avantageuse et sera lancé au prochain trimestre. Ce produit permettra une personnalisation des investissements. Actuellement, seulement 10 % des Français ont des actions en Bourse et ont exploré le trading. Avec ce développement, je pense que nous serons l’une des rares banques offrant la possibilité d’investir dans toutes les catégories de produits financiers, qu’il s’agisse de crypto, d'ETF, d’actions ou même de fonds que nous avons développés avec BlackRock.
Un autre axe tout aussi enthousiasmant concerne les opérations bancaires classiques. Il s’agit de l’innovation que nous allons apporter d’ici la fin de l’année pour compléter notre offre. Nous proposons déjà des comptes joints, des comptes communs, ainsi que des offres pour la famille, les proches et les partenaires. Mais nous allons aller plus loin en proposant des solutions spécialement conçues pour les enfants, ainsi que de nouvelles fonctionnalités pour les familles.
M. : Vous avez atteint l’équilibre lors du dernier exercice en 2024. La rentabilité est-elle l’un de vos objectifs ?
V. S. : Le premier trimestre de rentabilité en 2024 a constitué un jalon très important. Désormais, nous avons davantage de ressources pour investir dans notre future croissance et dans notre équipe. Nous cherchons à trouver un équilibre.
Notre objectif est de maintenir des résultats similaires au cours des prochaines années. Cela implique également que nous investissons davantage dans le développement, les produits et les talents. Notre capacité à générer des revenus est solide, elle est évidemment plus élevée qu’il y a deux ans, et elle continue de croître.
M. : Réfléchissez-vous à une entrée en bourse dans les prochains mois ou les prochaines années ?
V.S. : C'est toujours difficile de répondre à cette question. Nous l’envisageons dans quelques années, plus de deux ans. C’est un projet sur lequel notre équipe travaille activement. Pour l'entreprise et les fondateurs, c’est un excellent objectif. En termes de timing, nous pensons que cela pourrait se concrétiser d’ici cinq ans, mais nous sommes déjà de plus en plus prêts pour une entrée en bourse.
M. : Que représente le marché français pour N26 ?
V.S. : Nous avons un bureau à Paris depuis de nombreuses années, et la France reste l'un de nos marchés les plus importants, aux côtés de l'Allemagne. Cette tendance perdure. Lorsque je constate l'appétence des Français pour les produits digitaux, je vois un réel alignement avec notre position, étant le premier groupe bancaire numérique. Je suis convaincu que la France continuera à être l'un des marchés les plus importants en Europe pour nous.
M.: Quelle est votre stratégie tech ? Comment utilisez-vous l’IA ?
V.S. : Nous déployons une grande quantité d'intelligence artificielle, principalement pour renforcer la sécurité des comptes : détection des fraudes, paiements par carte, etc. Nous avons atteint un niveau où, même si vous perdez votre mot de passe ou le partagez accidentellement avec quelqu’un, une autre personne tentant d’accéder à vos comptes ne pourra rien faire. Nos systèmes sont tellement intelligents qu’ils détectent immédiatement une adresse IP différente, une géolocalisation différente, voire un comportement inhabituel. Notre objectif est que, quelle que soit l’action de nos clients, la fraude soit impossible sur nos comptes.
Je pense que nous sommes les leaders du marché en matière de déploiement de l’intelligence artificielle. Nous avons investi massivement au cours des quatre dernières années.
Le service client est également une priorité pour nous. Actuellement, nous avons déjà un chatbot qui répond à 35 à 40 % de nos demandes. Nous visons désormais les 90 %, tout en améliorant constamment la qualité de nos réponses.
M.: Pouvez-vous préciser comment vos modèles détectent les potentielles fraudes et notamment l’analyse des comportements des clients ?
V.S. : Lorsque vous ouvrez un compte bancaire chez N26, nous collectons déjà une cinquantaine de points de données. Au fur et à mesure de l’utilisation de nos services, nous enrichissons cette base avec près de 300 paramètres supplémentaires : les transactions, les produits utilisés, l’adresse IP, les temps de connexion, les données KYC, etc. C’est un système dynamique de données qui évolue au fil du temps. Notre technologie analyse ces 300 paramètres en temps réel pour attribuer un score de potentiel de fraude à chaque transaction.
Le système identifie ainsi les transactions les plus susceptibles de présenter un risque. Pour ces transactions, nous pouvons les bloquer, les annuler ou demander des informations supplémentaires avant de procéder à tout dommage potentiel.
M.: Comment voyez-vous l'évolution du secteur des fintech ?
V.S. : Au regard de la taille du secteur financier et bancaire, il est évident qu'il reste essentiel de continuer à faire émerger des entrepreneurs.
De 2021 à l'année dernière, les valorisations ont baissé et il a été difficile pour les petites startups de lever des fonds. J'ai malheureusement vu trop peu de fondateurs se lancer dans les fintech. Pourtant, le marché est tellement vaste qu'il y a encore de la place pour de nouvelles initiatives. Compte tenu de la multitude d'acteurs traditionnels, il est nécessaire d'avoir davantage de fintechs.
Il y a souvent une mauvaise perception de la situation. Certains pensent qu'il y a trop de jeunes pousses dans ce secteur, mais ce n'est absolument pas le cas. Le marché aurait besoin d'au moins 50 nouvelles startups dans chaque verticale bancaire pour véritablement innover.
Enfin, nous utilisons encore trop de produits de mauvaise qualité, à des coûts élevés. Il existe de nombreuses opportunités pour apporter des améliorations significatives.