Si l’Europe était une grenade d’innovation, il va de soi qu’elle n’aurait pas complètement explosée. Et pour cause, les pays du Vieux Continent adorent se mettre des bâtons dans leurs propres roues. A tel point que l’adage «l’Amérique innove et l’Europe régule» est devenu une blague bien répandue des deux côtés de l’Atlantique.
Forcément, il ne faut pas voir que les aspects négatifs de l’Europe. L’écosystème continental de la tech s’est considérablement développé au cours de la décennie écoulée et la French Tech en est l’exemple éclatant (quoi qu’en disent les mauvaises langues toujours prêtes à critiquer et rarement à mettre la main à la pâte). Mais alors que la tech européenne est devenue plus mature, elle peine encore à faire émerger des titans mondiaux. Spotify, Adyen, Booking ou encore Revolut (même s’il s’agit d’une entreprise britannique qui est donc exclue de l’UE) font ainsi figures d’exception face aux États-Unis et à la Chine, véritables machines à fabriquer des ogres technologiques qui dévorent tout ou presque sur leur passage.
Le marché unique européen ou l'éternel serpent de mer de Bruxelles
Devant ce constat et dans un climat plutôt morose en Europe, en raison d’une situation économique et politique assez chaotique, le CES Unveiled Europe s’est tenu aujourd’hui à Amsterdam. Berceau d’Adyen et Booking, la capitale néerlandaise a en effet des arguments à faire valoir pour insuffler une dose d’optimisme en cette fin d’année 2025. Et les responsables du CES, venus en force à Amsterdam, n’ont cessé de rappeler que les startups sont un moteur d’innovation très puissant qui dépasse le seul cadre des frontières et des gouvernements qui se succèdent.
Mieux, l’Europe n’aurait besoin que de lever un seul blocage, mais peut-être le plus énorme, pour basculer dans une dimension complètement différente : à savoir abolir les frontières commerciales des 27 États membres pour se doter d’un marché unique pour toute l’UE. Véritable serpent de mer à Bruxelles, le sujet revient régulièrement sur la table, mais finit malheureusement par disparaître aussi vite qu’il est apparu.
«Chacun des 27 pays membres de l’UE est convaincu que son système est le meilleur»
Oserait-on parler d’une bataille d’égos mal placés parmi les dirigeants de l’UE ? Finalement, c’est peut-être Michiel Scheffer, président du board du Programme d’accélération du Conseil européen de l’innovation (EIC), qui a le mieux résumer le sentiment général sur ce marché unique tant désiré qui pourrait devenir réalité avec l’introduction du fameux 28e régime. «Aujourd’hui, cela prend trop de temps et d’argent pour ouvrir une filiale dans chaque pays européen. La réalité, c’est qu’on a 27 régulations différentes et 27 armées différentes», observe-t-il. En matière d’innovation et de défense, autre enjeu majeur face à la menace russe grandissante, c’est donc le même combat.
Dans ce contexte, il y a urgence à changer la donne. «La fragmentation est trop contraignante. Il faut vraiment pousser pour ce 28e régime. Mais aujourd’hui, chacun des 27 pays membres de l’UE est convaincu que son système est le meilleur. Ce n’est pas comme ça qu’on y arrivera», souligne un Michiel Scheffer peu adepte de la langue de bois (on ne s’en plaindra pas !).
Sortir du déni
Difficile de le contredire, car cela ne sert à rien de se plaindre en permanence de la concurrence déloyale en dehors de l’Europe si rien ne change sur notre continent. Pas plus que rabâcher que l’Europe dispose d’un plus grand bassin de consommateurs que les États-Unis. Sauf peut-être à se voiler la face. Or le Vieux Continent n’a vraiment plus le temps de vivre dans le déni. Sous peine d’avoir une gueule de bois particulièrement pénible et longue…
Il est donc peut-être temps de dégoupiller pour renverser la table et s’offrir un marché européen à la hauteur de nos prétendues ambitions !