Après six premiers mois intenses, les acteurs de la tech française profitent de l’été pour ralentir le rythme, avant une rentrée qui ne devrait laisser aucun répit. Ce premier semestre aura offert un tableau contrasté, avec quelques vents d’euphorie et d’espoir, mais aussi des mauvaises nouvelles qui s’inscrivent dans un contexte quelque peu anxiogène.

Et pour cause, la French Tech était suspendue aux arbitrages des députés en début d’année dans le cadre du budget 2025 alors des dispositifs clés comme le crédit d’impôt recherche (CIR) et le crédit d’impôt innovation (CII) étaient menacés. Finalement, le coup de rabot a été moins brutal que prévu, même si le CIR a notamment perdu 400 millions d’euros.

Un vent d’euphorie soulevé par le Sommet pour l’Action sur l’IA

Après ce soulagement relatif de l’écosystème, un vent d’euphorie a soufflé sur Paris à l’occasion du Sommet pour l’Action sur l’IA. L’occasion pour la France de devenir l’épicentre mondial du secteur pendant deux jours et d’annoncer une pluie d’investissements. 109 milliards d’euros ont ainsi été promis, dont jusqu’à 50 milliards de la part des Émirats arabes unis pour bâtir le plus grand campus d’IA en Europe dans l’Hexagone.

De grands noms de l’IA ont pris part à ce sommet, dont Sam Altman, le patron d’OpenAI, Arthur Mensch, à la tête de Mistral AI, ou encore Yann LeCun, le chef de l’IA chez Meta, étaient également de la partie, tout comme Emmanuel Macron qui a lancé le fameux «Plug, Bay, plug !» pour contrer «Drill, baby, drill !» de Donald Trump. L’événement a permis d’insuffler une vague d’optimisme dans la tech tricolore dans une période difficile, ce qui était bienvenu dans un climat pessimiste.

Des levées de fonds en berne et des faillites en pagaille

Malheureusement, la réalité économique du moment est vite revenue comme un boomerang dans la tête des entrepreneurs et des investisseurs. Comme les deuxièmes mentionnés se montrent plus frileux depuis trois ans, les premiers peuvent vite se retrouver au bord du gouffre s’ils ne parviennent pas rapidement à faire pivoter leur modèle pour mettre leur société sur les rails de la rentabilité. Certaines startups, dont certains fleurons, finissent ainsi par trébucher. C’est le cas notamment d’Ynsect qui a été placé en redressement judiciaire. Étant au bord de la cessation de paiements, l’entreprise ne pouvait donc compter que sur une reprise totale ou partielle de ses activités pour se relancer. Le sort du spécialiste de la production de protéines à base d’insectes devrait être connu à la rentrée.

Quand l’heure de la reprise viendra, le cas d’Ynsect devrait être loin d’être un cas isolé alors qu’il est toujours très difficile de capter des capitaux auprès des fonds de capital-risque, sauf si vous vous appelez Mistral AI bien sûr. La bulle de l’IA continue de grossir en permanence, ce qui fait figure d’arbre qui cache un peu le reste de la forêt au niveau du financement. Les difficultés à lever des fonds se sont vérifiées au premier semestre, durant lequel le capital-risque français a connu une contraction marquée avec une baisse de 34 % des montants levés entre janvier et juin. Cette recomposition favorise l’IA, qui capte un quart des fonds, au détriment de secteurs comme la fintech ou la santé.

Une souveraineté aussi convoitée que menacée

Si le premier semestre 2025 s’inscrit en retrait, les signaux de reprise sont tangibles : le mois de juin, marqué par un regain de dynamisme en amorçage et en série A, montre que les investisseurs n’ont pas déserté — ils sont simplement devenus plus sélectifs. L’attention se porte désormais sur les fondamentaux, la scalabilité et la capacité des startups à générer rapidement de la traction sur des marchés parfois incertains.

Ces quelques signaux positifs ont été amplifiés lors d’un VivaTech intense placé évidemment sous le signe de l’IA. La star absolue de cette édition n’était autre que Jensen Huang, le patron de Nvidia. Avec sa célèbre veste en cuir, l’ingénieur taïwano-américain a fait le show à Paris ! Il faut dire que ses puces électroniques se vendent comme des petits pains avec l’envol de l’IA. Il a profité de sa venue à VivaTech pour annoncer un partenariat avec Mistral AI pour créer une offre cloud dédiée à l’IA. Une alliance décrite comme «historique» par Emmanuel Macron, venu tresser des lauriers à Jensen Huang et Arthur Mensch.

Si voir Nvidia vouloir collaborer avec une pépite française comme Mistral AI est une bonne nouvelle en matière d’attractivité de notre écosystème, cela brouille une nouvelle fois le message selon lequel la France et l’Europe veulent basculer vers davantage de souveraineté alors que la géopolitique mondiale ne laisse plus vraiment de choix quant à la stratégie à adopter. Or faire entrer des acteurs américains ou asiatiques au capital ouvre la porte à un exit à plus ou moins long terme. Pas plus tard que cette semaine la startup toulousaine Alteia, spin-off de Delair, a ainsi basculé sous pavillon américain. Il est vraiment temps que la machine à cash européenne sur les segments du growth et du late-stage se mette en marche sous peine de voir le rêve de souveraineté de l’Europe être réduit à désir jamais assouvi.

Faire le dos rond

Si l’Europe dispose d’un solide vivier de talents et d’une recherche reconnue, elle fait face en effet à des obstacles majeurs : fragmentation du marché, investissements inférieurs à ceux des géants chinois et américains, et difficultés à transformer la recherche en produits commercialisables à grande échelle. Pourtant, l’écosystème européen est en pleine mutation, porté par un optimisme renouvelé et des initiatives structurantes. Mais il va falloir passer la vitesse supérieure pour être un acteur majeur d’un monde en perpétuelle évolution plutôt qu’un simple spectateur.

Dans ce contexte, la French Tech va devoir montrer les muscles durant le deuxième semestre pour montrer le chemin à suivre à toute la tech européenne. Évidemment, il y aura de la casse. Sans doute beaucoup. Mais il faudra tenter de poser de nouvelles bases solides pour se projeter vers 2026 avec ambition et détermination. Pour cela, il faudra sans doute composer avec un coup de pouce de l’État atténué pour les startups, alors que le gouvernement souhaite ramener le déficit public à 4,6 % l’an prochain.

Un sacré défi !