Le produit phare d'OpenAI, ChatGPT, vient de franchir la barre symbolique du milliard de requêtes par jour et totalise plus de 120 millions d'utilisateurs quotidiens. Avec des modèles surpuissants aux promesses vertigineuses, l’Intelligence Artificielle générative a fait irruption ces trois dernières années dans le débat public avec éclat. Porté par des démonstrations saisissantes et des annonces toujours plus spectaculaires, le récit technologique s’est emballé. Au dernier Sommet mondial de l’IA, la France annonçait un investissement de 109 milliards d’euros en réponse directe au projet Stargate des États-Unis.
Avec en moyenne une dizaine de requêtes par jour, nous utilisons massivement l’IA dans notre vie privée. Cependant, sa traduction dans le monde du travail reste encore inaboutie. Pour la majorité des salariés, l’IA reste un espoir mais rarement une expérience du quotidien. Pour preuve, ChatGPT représente moins de 10% du temps passé sur une boîte mail. En bref, malgré les nouveautés, l’IA générative n’a pas encore franchi le mur de l’usage professionnel.
Nous ne manquons pas d’outils, nous manquons d’outils qui parlent au bureau
Trois vagues ont marqué les cycles récents de l’IA. La première était celle des logiciels historiques dont Microsoft et Apple. La deuxième a été celle des modèles de langage et leur lutte féroce pour prouver leur différence. Plus récemment, une troisième vague s’est dessinée. Elle a vu émerger des acteurs de plus petite taille, qui se sont fait une place en se concentrant sur une problématique de niche. Cette approche ciblée a permis des avancées fines mais laissant la majorité des salariés de côté.
Car pendant ce temps, sur le terrain, l’expérience reste fragmentée. Pour accomplir une tâche, un utilisateur doit naviguer entre une dizaine d’applications, jongler entre plusieurs onglets et multiplier les « copier-coller ». Il se perd dans des manipulations fastidieuses et recommence. A la complexité du choix des modèles s’ajoute celle de la cohabitation. Dans une même structure, combien de manières d’utiliser l’IA ? En définitive, dispersée, l'IA épuise plus qu’elle ne soutient. Elle échoue à accomplir sa mission : simplifier le monde professionnel pour de vrai.
Nous avons besoin de sens pratique
Depuis un an, les équipes de recherche rivalisent pour développer des moteurs toujours plus puissants, capables de défier les meilleurs cerveaux du monde. Les scores progressent mais selon des indicateurs éloignés des besoins d’un salarié lambda. Pour ce dernier, ces progrès subtils sont imperceptibles, voire inutiles.
Le terrain ne réclame pas de modèles plus performants : il demande des solutions plus lisibles et plus intégrées. Il demande des interfaces claires et des raccourcis qui suggèrent. L’objectif : l’intuitivité. Il n'est pas nécessaire de disposer d'une IA avec un niveau de réponse digne du plus grand astrophysicien lorsque la requête concerne la relecture d’un courriel. Aujourd’hui, les modèles ne font pas défaut parce qu'ils ne sont pas assez intelligents, ils font défaut car ils manquent de sens pratique, essentiel au monde professionnel.
Accompagner dans la durée
En plus d’une meilleure lisibilité, nous avons besoin d’IA générative capable d’aider le salarié sur le long terme, via des systèmes qui permettent de mener une succession de tâches de bout en bout, au même endroit, afin de répondre facilement à des enchaînements récurrents. Or, l'IA générative actuelle se cantonne à l'instantané : une traduction ici, puis un prompt là et une requête ailleurs. Elle se restreint à des micro-usages.
Les géants de la tech s'épuisent dans une course au modèle le plus puissant. Les nouveaux acteurs se disputent des secteurs extrêmement précis. L’un comme l’autre ne répond pas au salarié qui recherche une solution unique et parfaitement adaptée à l’ensemble de ses besoins. Alors, pour que l’IA générative devienne une évidence d’usage au travail, il faut repérer et soutenir des solutions qui sont en elles-mêmes des architectures silencieuses, qui fluidifient les gestes au même endroit et soulagent la charge des utilisateurs. Il est temps d'initier une nouvelle vague d’IA générative. Pour des solutions à hauteur de salarié.
Les dés ne sont pas encore jetés
En associant leur nom à la technologie, les premiers acteurs ont pris une longueur d’avance. Néanmoins, nous sommes bien loin d'un état de plateau. Une nouvelle façon de penser l’IA générative est possible et elle rebattra les cartes du monopole technologique mondial. Il est temps de plonger dans une IA du concret, une IA du travail, qui s’intègre et accompagne réellement tous les salariés. Ce chantier est à portée de main, et la France a tout pour le mener.