Nombreux sont les entrepreneurs dans le domaine de la deeptech à la fois primo-entrepreneurs et scientifiques de pointe. Mais rares sont ceux qui possèdent les connaissances requises pour développer le déploiement de leur solution ou mettre en place des processus d'industrialisation avec une chaîne logistique ou de production. Cette réalité a donné naissance au dispositif Transfert de compétences lancé la semaine passée au Hub par France Industrie et Bpifrance. L’idée est de permettre à des collaborateurs de grands groupes de mettre leurs compétences à disposition de startups deeptech pour une durée définie.

Dans le cadre d’un programme pilote, des groupes de renom tels que Safran, Schneider, Thales, Sanofi, ou encore Orano ont participé. Du côté des startups, les CEO de Carbon Waters, Diam Fab, Geolithe, ou encore Turbotech ont travaillé main dans la main avec les représentants de grandes entreprises.

Une collaboration gagnant-gagnant

De nombreux échanges, en amont des missions, à l’instar de celle réalisée par Ivan Llaurado (ex-Schneider) chez DiamFab, auront permis de s’assurer que toutes les parties prenantes au transfert y trouveraient leur compte. En participant  à cette aventure, Gauthier Chicot, CEO de DiamFab - solution innovante de diamant synthétique, spécifiquement conçue pour la haute puissance et les conditions extrêmes - espérait, de son côté, trouver un profil qui, à l’avenir, serait capable de paver la voie de l'industrialisation. Bien que sensibilisé au marketing, je reste un primo-entrepreneur et, dans la boîte nous sommes plutôt des rats de laboratoire. Nous cherchions un super business developer capable de traduire notre proposition de valeur en langage industriel pour nouer des partenariats et préparer le déploiement de Diam Fab à grande échelle. L’arrivée d’Ivan dans la société nous a permis de multiplier par dix le chiffre d'affaires en l’espace d’un an. Il nous crédibilise”, a-t-il expliqué.

Jean-Philippe Thierry, Directeur Industrie du Futur pour France Industrie, a la certitudes que les compétences sont un vrai levier pour maximiser le taux de réussite de ces jeunes entreprises.

Nous sommes persuadés qu’en faisant circuler les talents, nous parviendrons à cet objectif collectif qu’est la réindustrialisation du pays concrétisée par la création de cent usines par an”.

Si le gain pour les startups semble évident, les collaborations pilotes ont démontré que les bénéfices étaient mutuels.

“En participant, les grands groupes offrent à leurs collaborateurs la possibilité de développer une nouvelle culture d’innovation, en fournissant agilité, nouvelles méthodes et formations en conditions réelles”, explique Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation de Bpifrance. Cela attire également de nouveaux talents désireux de travailler pour ces grands groupes, mais soucieux de découvrir l’univers des startups. De plus, les grands groupes se constituent un réseau supplémentaire pour d'éventuels partenariats en maîtrisant les langages spécifiques, les exigences et les modèles économiques propres à ces jeunes entreprises".

Les conditions du transfert définies

Les efforts mutualisés de 10 startups et 5 grands groupes ont abouti à l'élaboration d'une méthodologie permettant de définir les conditions de ce modèle de rapprochement, comprenant un cadre juridique qui repose sur le prêt de main d'œuvre, une convention et un cadre économique. France Industrie et Bpifrance ont profité de la soirée pour partager leurs recommandations. “Idéalement, la charge du salaire de l’expert mis à disposition par le grand groupe sera partagée à parts égales favorisant ainsi un partenariat équilibré et bénéfique pour toutes les parties impliquées. La propriété intellectuelle des solutions qui voient le jour au sein de la startup restera à cette dernière. La durée des missions sera quant à elle flexible allant d’une semaine à 12 mois, explique Paul-François Fournier. Les startups sont constamment en recherche de compétences. Elles se réjouissent de pouvoir accéder à celles des grands groupes dans un cadre sécurisé.

Ivan Llaurado et Gauthier Chicot ont souligné l'importance des conditions développées pour atténuer les risques et fournir des garanties. “On répète souvent à tort que les entrepreneurs ont le goût du risque. Moi, je pense que moins le risque est grand, mieux on se porte. En opérant ce transfert, j’avais la garantie de conserver un poste chez Schneider. J’étais forcément gagnant”, explique Ivan Llaurado, désormais CRO et Partnership Development Director chez DiamFab. Pour Gauthier Chicot, le risque résidait davantage dans le coût du transfert : “Les startups sont habituées à faire avec des bouts de ficelle. Le coût d’un transfert comme celui-ci représente une charge non négligeable. Mais il est, selon moi, nécessaire, car il garantit que l'on mette tout en œuvre pour capitaliser dessus, le but étant de structurer une fonction”, analyse Gauthier Chicot.

Un mercato national pour chasser en meute

“La phase pilote du programme se termine, et nous entamons désormais son  déploiement industriel”, métaphorise le Directeur Industrie du Futur pour France Industrie. Pour passer le partenariat à l’échelle, Bpifrance a créé un nouveau module de service baptisé “Mercato” sur la plateforme. “La plateforme s’enrichit d’un nouveau module de prêt de compétences. Les startups pourront y publier leurs offres, les salariés et les RH des grands groupes pourront, quant à eux, éditer des profils de candidats. Nous réaliserons ensuite le mariage en suivant le modus operandi élaboré durant la phase pilote qui pourra évidemment être amendé, explique Paul-François Fournier. Tous les grands groupes à l’international cherchent à mieux travailler avec les startups pour sortir de leurs modèles d’innovation verticale qui ne fonctionne plus. Si Orano, Sanofi, Schneider ou encore Safran ont décidé de participer à ce programme, c'est qu’ils y voient une opportunité. Par ailleurs, en infusant leurs compétences au sein des startups, ces grands groupes - qui rayonnent déjà à l’international - les rendent plus compétitives. Avec le programme d’API, l’initiative “Je choisi la French Tech” mis en place par l’Etat et ce programme nous commençons à créer ce modèle qui consiste à chasser en meute”, Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation de Bpifrance.